Voici une liste des médicaments les plus fréquemment utilisés, répartis selon leur niveau de risque. Pour davantage de précautions sont annotés sur l’emballage de chaque médicament leurs degrés de toxicité. Afin d'éviter des peurs inutiles et d'évaluer correctement ce qui s'est passé lors d'une mauvaise prise de médicaments, vous devez consulter votre médecin.
Comprendre les intoxications médicamenteuses chez l'enfant
Les intoxications médicamenteuses représentent un problème fréquent en pédiatrie, constituant la deuxième cause d'accident domestique chez l'enfant (4,6%), après les traumatismes. Les médicaments sont responsables de 46% des intoxications pédiatriques et représentent la première cause de cas graves (34%) chez les enfants de moins de 15 ans selon les données des centres antipoison.
On observe deux pics de fréquence dans les intoxications médicamenteuses infantiles : à 3 ans avec une prédominance d'ingestion accidentelle et une légère prédominance masculine, et à 14 ans avec des intoxications souvent volontaires, volontiers polymédicamenteuses, avec une prédominance féminine. Chez les enfants de moins de 6 ans, 85% des intoxications sont accidentelles.
Les enfants de moins d'un an sont le plus souvent victimes d'erreurs thérapeutiques de l'entourage ou des soignants, tandis que les plus grands s'intoxiquent en explorant leur environnement et en portant à la bouche tout ce qu'ils trouvent. Cette curiosité naturelle, combinée à leur incapacité à distinguer les médicaments des bonbons, explique la fréquence de ces accidents.
Il est important de noter que les enfants présentent des spécificités uniques en toxicologie médicale. Certains médicaments sont extrêmement dangereux pour les plus jeunes, même exposés à des quantités qui apparaissent insignifiantes pour un adulte. Leur métabolisme différent et leur poids corporel réduit rendent certaines substances particulièrement toxiques.
Ingestion erronée de médicaments : médicaments de faible toxicité
Ce sont la plupart des antibiotiques et des chimiothérapiques (à quelques exceptions près, comme l'isoniazide, qui est utilisé seulement pour lutter contre la tuberculose), les suppléments vitaminiques, les mucolytiques, la cortisone (en petites quantités), les désinfectants de la cavité buccale, les antiacides, les laxatifs, les antiflatulents, les vasoprotecteurs (comme les bioflavonoïdes), les antifongiques, les antibactériens topiques, les pommades émollientes et protectrices et les anovulatoires.
Cette catégorie comprend également les probiotiques, certains sirops contre la toux sans substances actives dangereuses, les solutions de réhydratation orale, les collyres antibiotiques simples, et la plupart des préparations homéopathiques. Ces médicaments ont généralement une marge de sécurité importante et ne causent pas d'effets toxiques majeurs en cas d'ingestion accidentelle.
Comment dois-je agir si mon enfant a pris l'un de ces médicaments par erreur ?
L'intervention médicale n'est pas nécessaire, sauf si l'enfant a avalé une dose très élevée de médicament pendant plusieurs jours consécutifs. Cependant, il reste recommandé de contacter votre médecin ou un centre antipoison pour confirmer l'absence de danger et recevoir des conseils adaptés à la situation spécifique.
Dans cette situation, surveillez votre enfant pendant quelques heures pour détecter d'éventuels symptômes inhabituels : troubles digestifs légers, somnolence, ou réactions allergiques. Conservez l'emballage du médicament ingéré pour pouvoir fournir des informations précises si une consultation s'avère nécessaire.
Ingestion erronée de médicaments : médicaments de toxicité moyenne
Dans ces médicaments, on trouve le paracétamol, l'aspirine, les antidépresseurs modernes, les antihistaminiques, les antispasmodiques, les benzodiazépines, l'acide borique (désinfectant de la peau), les antihypertenseurs, les anticoagulants, les diurétiques, les intégrateurs de fer, les produits à base de fluor pour la prévention des caries, les désinfectants cutanés à base de mercure, les dérivés nitrés (médicaments pour l'angine de poitrine), les sédatifs « centraux » de la toux, les médicaments antiulcéreux (Anti H2, inhibiteurs de la pompe à protons), les antiémétiques, antidiarrhéiques et les hormones thyroïdiennes.
Le paracétamol mérite une attention particulière car il peut entraîner des dommages hépatiques graves à des doses supérieures à 200 mg/kg, ce qui correspond à aussi peu que quatre comprimés de 500 mg pour un enfant de 2 ans pesant 10 kg. Chez l'enfant, les dommages hépatiques sont plus susceptibles de survenir après un surdosage chronique qu'après une dose élevée unique.
Comment dois-je agir si mon enfant a pris l'un de ces médicaments par erreur ?
En règle générale, quelques heures d'observation en milieu hospitalier suffisent pour évaluer l'absence ou la disparition des symptômes possibles. Néanmoins, si votre enfant a avalé une boite entière de paracétamol ou d'aspirine, vous devez vous rendre immédiatement au centre de traumatologie pédiatrique le plus proche et procéder à une intervention rapide.
Pour ces médicaments, contactez immédiatement votre médecin ou un centre antipoison. Une surveillance médicale de 6 à 12 heures permet généralement d'avoir un recul suffisant pour déterminer la gravité réelle de l'intoxication. Ne tentez pas de faire vomir votre enfant et conservez l'emballage du médicament pour faciliter l'identification du produit ingéré.
Ingestion erronée de médicaments : médicaments de toxicité élevée
Ce sont certains types d'antidépresseurs, les antirrythmiques, les bronchodilatateurs, la carbamazépine (antidépresseur et anticonvulsivant), colchicine (anti-goutte). Mais aussi certains types d'antidiabétiques oraux, d'antiépileptiques, les sédatifs « majeurs » (neuroleptiques), les anorexisants (amphétamines), les antihypertenseurs, les antipaludéens, les barbituriques.
Les bloqueurs du canal calcique, utilisés pour traiter l'hypertension et l'angine, sont particulièrement dangereux : même un ou deux comprimés peuvent être potentiellement mortels pour un jeune enfant. Les antidépresseurs tricycliques, les sulfonylurées utilisées dans le traitement du diabète, les analgésiques narcotiques comme la morphine et la codéine, et l'antidiarrhéique diphénoxylate sont également extrêmement toxiques.
Comment dois-je agir si mon enfant a pris l'un de ces médicaments par erreur ?
Il faut aller à l'hôpital dès que possible, parce que ces médicaments peuvent provoquer des troubles graves dans l'organisme. Appelez immédiatement le 15 (SAMU) ou rendez-vous directement aux urgences pédiatriques les plus proches. Chaque minute compte pour ces substances hautement toxiques.
Ces intoxications nécessitent souvent une prise en charge en soins intensifs ou en réanimation pédiatrique. Les symptômes peuvent apparaître rapidement (dans les 30 à 90 minutes) et l'évolution peut être dramatique sans traitement approprié immédiat.
Les premiers gestes d'urgence à adopter
Face à une ingestion accidentelle de médicament, votre réaction immédiate peut être déterminante pour le pronostic de votre enfant. Voici la conduite à tenir étape par étape, selon les recommandations des centres antipoison.
Étape 1 : Gardez votre calme et évaluez la situation
Ne paniquez pas, même si la situation semble grave. Votre calme permettra une meilleure prise en charge. Évaluez rapidement l'état de conscience de votre enfant : répond-il à vos questions ? Semble-t-il somnolent ou agité ? Ces informations seront cruciales pour les secours.
Étape 2 : Identifiez le produit et estimez la quantité
Récupérez immédiatement l'emballage du médicament ingéré. Notez le nom exact du médicament, le dosage, l'heure approximative de l'ingestion et la quantité potentiellement avalée. Comptez les comprimés ou mesurez le liquide restant pour estimer la dose ingérée.
Étape 3 : Contactez les secours
Appelez le 15 (SAMU), le centre antipoison de votre région, ou votre médecin selon la gravité présumée. Ayez sous la main l'emballage du médicament, l'âge et le poids de votre enfant. Décrivez précisément les symptômes observés et leur évolution.
Étape 4 : Appliquez les gestes de premiers secours
Ne donnez jamais à boire ou à manger à votre enfant, cela pourrait aggraver la situation. Si votre enfant a encore des comprimés dans la bouche, retirez-les délicatement avec votre doigt. En cas de produit corrosif (rare avec les médicaments), nettoyez délicatement les lèvres avec un linge humide.
Ce qu'il ne faut jamais faire :
- Ne faites jamais vomir votre enfant, sauf instruction formelle du centre antipoison
- Ne donnez pas de lait, d'eau ou de nourriture
- N'utilisez pas de sirop d'ipéca ou autres vomitifs
- Ne donnez pas de charbon actif sans avis médical
Mesures préventives essentielles
La prévention reste la meilleure arme contre les intoxications médicamenteuses. Environ la moitié des intoxications accidentelles surviennent alors que le produit était utilisé au moment de l'ingestion ou avait récemment été déplacé de son endroit habituel d'entreposage.
Stockage sécurisé des médicaments :
Rangez tous les médicaments dans une armoire à pharmacie fermée à clé, en hauteur, hors de portée des enfants. Cette règle s'applique aux médicaments de toute la famille, y compris ceux des animaux de compagnie. Ne laissez jamais de médicaments sur une table, dans un sac à main accessible, ou dans des piluliers ouverts.
Attention aux situations à risque :
Soyez particulièrement vigilant lors de visites chez les grands-parents ou d'autres personnes âgées qui peuvent laisser leurs médicaments à portée des enfants. Ce phénomène, connu sous le nom de "Granny Syndrome", est tellement fréquent qu'il a été officiellement répertorié par les centres antipoison.
Conditionnement et étiquetage :
Ne déconditionnez jamais les médicaments avant de les prendre. Gardez-les dans leur emballage d'origine avec les notices. Les contenants "sécurité enfant" offrent une protection supplémentaire, mais ne sont pas infaillibles : de nombreux enfants développent la dextérité nécessaire pour les ouvrir.
Éducation des enfants :
Expliquez à vos enfants dès que possible que les médicaments ne sont pas des bonbons et qu'ils ne doivent être pris que par un adulte pour soigner. Apprenez-leur à reconnaître les pictogrammes de danger et à ne jamais toucher aux médicaments sans permission.
Gestion des médicaments périmés :
Éliminez régulièrement les médicaments périmés en les rapportant en pharmacie. Ne les jetez jamais dans les ordures ménagères où ils restent accessibles aux enfants, et ne les laissez pas traîner en attendant de les éliminer.
Surveillance et signes d'alerte
Après une ingestion accidentelle, même de médicaments supposés peu toxiques, une surveillance attentive de votre enfant s'impose. Les symptômes d'intoxication peuvent parfois être retardés et l'évolution peut être imprévisible.
Signes généraux à surveiller :
Observez l'état de conscience de votre enfant : somnolence inhabituelle, agitation, confusion ou difficultés à rester éveillé. Surveillez sa respiration : ralentissement, accélération ou irrégularité du rythme respiratoire. Contrôlez son pouls s'il est plus âgé et notez toute pâleur ou changement de couleur de la peau.
Symptômes digestifs :
Les nausées, vomissements, douleurs abdominales ou diarrhée peuvent indiquer une irritation ou une toxicité digestive. Ces symptômes ne doivent pas être négligés, même s'ils semblent bénins au début.
Troubles neurologiques :
Soyez attentif aux maux de tête, vertiges, troubles de l'équilibre, mouvements anormaux, convulsions ou troubles de la parole. Ces signes peuvent indiquer une atteinte du système nerveux central et nécessitent une consultation urgente.
Durée de surveillance :
La plupart des problèmes se résolvent dans les 24 heures suivant l'exposition, mais certains médicaments comme le paracétamol peuvent avoir des effets retardés. Une surveillance de 6 à 12 heures permet généralement d'avoir un recul suffisant pour la plupart des substances.
Quand consulter en urgence :
N'hésitez pas à vous rendre aux urgences ou à rappeler le centre antipoison si l'état de votre enfant se dégrade, si de nouveaux symptômes apparaissent, ou si vous avez le moindre doute sur son évolution.
Spécificités selon l'âge de l'enfant
L'âge de l'enfant influence considérablement le type d'intoxication, sa gravité potentielle et la prise en charge nécessaire. Chaque tranche d'âge présente des particularités qu'il convient de connaître.
Nourrissons (0-12 mois) :
Chez les très jeunes enfants, les intoxications sont principalement dues à des erreurs de l'entourage : surdosage de médicaments prescrits, confusion entre différents médicaments, ou erreur de préparation. Leur organisme immature métabolise différemment les substances, rendant certains médicaments particulièrement dangereux.
Jeunes enfants (1-4 ans) :
C'est la tranche d'âge la plus à risque avec 85% des intoxications accidentelles. Leur curiosité naturelle, combinée à leur tendance à porter tout à la bouche, explique cette vulnérabilité. Ils explorent leur environnement sans conscience du danger et peuvent confondre médicaments et bonbons.
Enfants d'âge scolaire (5-11 ans) :
Les intoxications deviennent moins fréquentes mais peuvent résulter d'une mauvaise compréhension des consignes ou d'un comportement imitatif (reproduire les gestes des adultes). Ces enfants peuvent aussi parfois ingérer volontairement des médicaments par curiosité.
Adolescents (12-18 ans) :
Chez les adolescents, les intoxications peuvent être accidentelles (automédication mal contrôlée) ou volontaires (tentatives de suicide, expérimentations). Les intoxications volontaires sont souvent polymédicamenteuses et donc plus complexes à traiter.
Chaque groupe d'âge nécessite une approche préventive adaptée : sécurisation physique pour les plus jeunes, éducation pour les enfants d'âge scolaire, et dialogue sur les risques pour les adolescents.
Vos questions fréquentes concernant l'ingestion erronée de médicaments
Mon enfant a avalé un comprimé de paracétamol pour adulte. Est-ce grave ?
Cela dépend du poids de votre enfant et de la dose du comprimé. Un comprimé de 500mg peut être toxique pour un enfant de moins de 15kg. Contactez immédiatement un centre antipoison ou votre médecin pour évaluer la situation.
Dois-je faire vomir mon enfant après qu'il ait avalé des médicaments ?
Non, ne faites jamais vomir votre enfant sauf instruction formelle d'un centre antipoison. Le vomissement peut aggraver les lésions en cas de produit corrosif ou entraîner une fausse route respiratoire.
Combien de temps dois-je surveiller mon enfant après une ingestion accidentelle ?
La surveillance dépend du médicament ingéré. Pour la plupart des substances, 6 à 12 heures suffisent. Cependant, certains médicaments comme le paracétamol peuvent avoir des effets retardés nécessitant une surveillance plus prolongée.
Les médicaments homéopathiques sont-ils sans danger en cas de surdosage ?
Généralement oui, les préparations homéopathiques classiques présentent peu de risques en cas d'ingestion accidentelle. Néanmoins, contactez votre médecin pour confirmer l'innocuité du produit spécifique ingéré.
Mon enfant a bu du sirop contre la toux. Que faire ?
Cela dépend de la composition du sirop. Les sirops contenant de la codéine ou du dextrométhorphane peuvent être dangereux. Vérifiez la composition et contactez un centre antipoison pour évaluation.
Faut-il donner du charbon actif en cas d'intoxication ?
Ne donnez jamais de charbon actif sans avis médical. Son utilisation nécessite une évaluation précise du type de médicament ingéré et du délai écoulé depuis l'ingestion.
Comment expliquer à mon enfant de 3 ans le danger des médicaments ?
Utilisez des mots simples : "Ce ne sont pas des bonbons, c'est pour soigner quand on est malade, seuls papa et maman peuvent les donner". Répétez régulièrement ce message et montrez l'exemple en rangeant toujours les médicaments hors de portée.
Conclusion
Les intoxications médicamenteuses chez l'enfant, bien qu'elles représentent un motif fréquent de consultation aux urgences, ont un pronostic globalement favorable lorsqu'elles sont prises en charge rapidement et correctement. La mortalité, inférieure à 2%, reste heureusement très faible grâce à l'amélioration de l'information du public et à l'efficacité des réseaux d'urgence.
La classification des médicaments selon leur toxicité permet une approche graduée de la prise en charge : surveillance simple pour les médicaments peu toxiques, observation hospitalière pour ceux de toxicité moyenne, et intervention urgente pour les substances hautement dangereuses. Cette gradation aide les parents à adapter leur réaction selon la gravité potentielle de la situation.
Cependant, la prévention reste l'enjeu majeur. De nombreuses intoxications pourraient être évitées par des mesures simples : rangement sécurisé des médicaments, vigilance lors de leur utilisation, éducation des enfants, et attention particulière dans les environnements non familiers. Chaque parent a un rôle crucial à jouer dans cette prévention.