L'intolérance au gluten comporte-t-elle des risques spécifiques pour la femme enceinte et pour le bébé qu'elle porte ? Dans quelle mesure est-il possible de réduire les chances de transmettre cette intolérance à l'enfant ? Découvrez tous les enjeux de la maladie cœliaque pendant la grossesse et les mesures préventives essentielles pour assurer le bon développement de votre bébé.
La maladie cœliaque est aujourd'hui l'une des maladies digestives les plus fréquentes. On estime qu'elle touche une personne sur 2.000 en France, mais que seulement 10 à 20 % des cas seraient diagnostiqués. Parmi les personnes atteintes se trouvent de nombreuses femmes en âge de procréer qui s'interrogent : l'intolérance au gluten, comme on appelle également cette maladie, comporte-t-elle des risques pour la femme enceinte et pour son bébé à naître ? Faut-il un suivi particulier ? La maladie cœliaque est-elle héréditaire ? Est-il possible de réduire les possibilités de transmission à l'enfant ? Ces questions préoccupent légitimement les futures mamans atteintes de cette pathologie auto-immune.
Les causes et mécanismes de la maladie cœliaque
Plutôt qu'une maladie, la maladie cœliaque est un syndrome auto-immun complexe. Par conséquent, une fois que l'on élimine le gluten, à l'origine du trouble dont souffre la personne cœliaque, celle-ci est en aussi bonne santé que n'importe quelle autre personne.
La maladie cœliaque est en grande partie d'origine héréditaire : les enfants dont les parents sont atteints de ce syndrome présentent un risque élevé (estimé à 10%) de développer à leur tour une intolérance au gluten du fait de la prédisposition génétique dont ils héritent. Cette transmission génétique s'explique par la présence de gènes spécifiques (HLA-DQ2 et HLA-DQ8) qui prédisposent à la réaction inflammatoire contre le gluten.
Mais d'autres facteurs encore mal compris contribuent également à l'apparition du problème. Les infections virales précoces, le stress, certains médicaments ou même le mode d'accouchement peuvent influencer le développement de la maladie. En témoigne le grand nombre de patients adultes qui développent cette pathologie, parfois même à un âge très avancé, après avoir mangé du gluten toute leur vie sans en souffrir.

Symptômes et conséquences de l'intolérance au gluten
Lorsque le gluten, ou plus précisément la gliadine, l'un de ses composants, entre en contact avec la muqueuse intestinale d'une personne cœliaque, il déclenche une réaction erronée des lymphocytes T, les cellules du système immunitaire qui, à leur tour, libèrent des molécules à l'action inflammatoire. À la longue, le processus inflammatoire atteint les villosités intestinales. La première conséquence en est un ralentissement de la fonctionnalité de la muqueuse intestinale qui n'absorbe plus correctement les nutriments contenus dans les aliments.
Cette malabsorption du calcium et du fer se traduit par une augmentation du risque d'ostéoporose et d'anémie. La carence en acide folique, zinc, et sélénium est également fréquente chez les personnes non traitées. Dans les cas les plus graves, le ralentissement de la fonctionnalité de l'intestin se manifeste par une perte de poids progressive, de la diarrhée et des douleurs abdominales. Au fil du temps, si la maladie cœliaque n'est pas diagnostiquée et que le gluten n'est pas complètement éliminé de l'alimentation de l'individu, les dommages sur la muqueuse intestinale peuvent favoriser le développement de tumeurs.
Impact de la maladie cœliaque sur la grossesse et la fertilité
La maladie cœliaque, en soi, n'interfère pas sur la fertilité et ne comporte pas de risques spécifiques pour la grossesse lorsqu'elle est correctement prise en charge. C'est plutôt l'intolérance non diagnostiquée qui représente un danger pour les femmes cœliaques qui attendent un bébé. La malabsorption des nutriments dans la période précédant la conception et pendant la grossesse peut causer des carences en calcium, en fer et en acide folique, avec un risque accru de malformations du tube neural, des problèmes dans le développement de la structure osseuse du bébé et de l'anémie.
Les statistiques sont préoccupantes : les femmes cœliaques non traitées présentent un risque trois fois plus élevé de fausse couche dans les premières semaines de grossesse. Une étude américaine a démontré que 17,8% des femmes intolérantes au gluten font une fausse couche si elles consomment du gluten, contre seulement 2,4% si leur alimentation est exempte de gluten.
De plus, les enfants des femmes cœliaques qui consomment du gluten pendant leur grossesse ont un risque accru de naître prématurément (24% contre 16% pour les femmes non atteintes). Les bébés peuvent également présenter un faible poids de naissance et un retard de croissance intra-utérin.
Une étude réalisée par des chercheurs de l'hôpital polyclinique Gemelli de Rome (Italie), et récemment publiée dans l'American Journal of Gastroenterology, a confirmé que les femmes cœliaques qui ne suivent pas un régime strict sans gluten ont trois fois plus de risques de faire une fausse-couche dans leurs premières semaines de grossesse. Il semblerait que la réaction immunitaire stimulée par le contact du gluten avec la muqueuse intestinale inhibe la capacité de l'embryon à nicher sur les parois de l'utérus. La seule mesure préventive pour l'éviter est d'éliminer toute trace de gluten dans l'alimentation au moins 6 mois avant la conception, et ce afin de supprimer totalement la présence d'anticorps anormaux dans le sang.
Mesures préventives et suivi médical pendant la grossesse
Il est donc essentiel que les femmes qui essayent de tomber enceinte alors qu'elles seraient susceptibles de souffrir d'intolérance au gluten ou dont les parents proches sont cœliaques, consultent leur médecin ou soient dirigées vers un centre spécialisé dans le diagnostic de la maladie.
En cas de résultats positifs, si elles suivent méticuleusement un régime sans gluten, elles ne courent aucun risque particulier et ne nécessitent aucun suivi ni traitement spécial. Si le diagnostic est réalisé alors que la grossesse est déjà entamée, le médecin devra vérifier si la malabsorption a entraîné une carence en fer ou en calcium et s'il convient de prescrire à la future maman des suppléments de ces minéraux.
Les recommandations nutritionnelles spécifiques incluent :
- Acide folique : 400 microgrammes par jour, voire plus selon prescription médicale
- Fer : surveillance renforcée et supplémentation si nécessaire
- Calcium et vitamine D : pour prévenir l'ostéoporose et assurer le bon développement osseux du bébé
- Zinc et sélénium : nutriments essentiels souvent déficitaires chez les personnes cœliaques
Il en va de même si la maladie cœliaque est diagnostiquée après l'accouchement, au cours de l'allaitement. Un suivi nutritionnel spécialisé permet d'assurer un apport optimal en nutriments pour la mère allaitante.
Transmission héréditaire et prévention chez l'enfant
Comme nous l'avons expliqué plus haut, la maladie cœliaque possède une forte composante génétique : la mère peut donc la transmettre à son enfant dans le cadre de son patrimoine génétique ; le risque pour le bébé de développer la maladie au cours de sa vie est de 10%. Ce risque monte à 20% si les deux parents sont atteints.
Rien n'a été formellement prouvé actuellement en matière de comportement à avoir ou de précautions à prendre pendant la grossesse ou après l'accouchement pour réduire significativement le risque que l'enfant développe lui aussi une intolérance au gluten. Les recherches récentes ont montré que ni l'introduction retardée du gluten, ni l'allaitement prolongé ne modifient substantiellement le risque de maladie cœliaque chez l'enfant.
Cependant, certaines stratégies peuvent être bénéfiques :
- Introduction progressive du gluten entre 4 et 12 mois
- Surveillance attentive des symptômes digestifs chez l'enfant
- Dépistage précoce en cas de signes évocateurs
- Maintien d'un microbiote intestinal sain par l'allaitement maternel
Des études ont suggéré que le mode d'accouchement par césarienne pourrait légèrement augmenter le risque de développer la maladie cœliaque, probablement en raison de son impact sur la colonisation du microbiote intestinal.
Vos questions fréquentes concernant la maladie cœliaque et la grossesse
1. Puis-je allaiter si je suis cœliaque ?
Absolument ! L'allaitement est même recommandé. Le régime sans gluten de la mère n'affecte pas la qualité du lait maternel. Il est important de maintenir une supplémentation adaptée pour éviter toute carence nutritionnelle.
2. Mon bébé peut-il développer la maladie cœliaque même si je suis son régime sans gluten ?
Oui, car la transmission est génétique. Le fait de suivre votre régime sans gluten n'élimine pas le risque héréditaire, mais il optimise votre santé et celle de votre bébé pendant la grossesse.
3. À quel âge puis-je introduire le gluten chez mon enfant ?
Les recommandations actuelles préconisent une introduction entre 4 et 12 mois, de manière progressive. Il n'existe pas de stratégie prouvée pour prévenir la maladie cœliaque chez l'enfant prédisposé.
4. Quels sont les signes à surveiller chez mon enfant ?
Diarrhées chroniques, retard de croissance, ballonnements, irritabilité, fatigue chronique. En cas de doute, consultez votre pédiatre pour un dépistage approprié.
5. Le diagnostic peut-il être posé pendant la grossesse ?
Oui, le diagnostic peut être établi pendant la grossesse par des analyses sanguines et, si nécessaire, une biopsie intestinale. La prise en charge précoce améliore le pronostic pour la mère et l'enfant.
Conclusion
La maladie cœliaque, bien gérée par un régime sans gluten strict, n'empêche pas de vivre une grossesse sereine et de donner naissance à un bébé en bonne santé. La clé du succès réside dans un diagnostic précoce, un suivi médical adapté et une observance rigoureuse du régime alimentaire. Les femmes cœliaques qui respectent scrupuleusement leur régime sans gluten avant la conception et pendant la grossesse présentent les mêmes taux de succès reproductif que la population générale.
(Ça peut vous intéresser : La maladie cœliaque chez les enfants)


