Que faire du placenta une fois que l'on a accouché ? Dans de nombreuses régions du monde, on l'enterre ; on procède même parfois à des rituels pour protéger le nouveau-né et sa famille car il aurait des propriétés « magiques »… Loin d'être un simple déchet médical, le placenta est considéré dans de nombreuses cultures comme un organe sacré, porteur de sens et méritant un traitement respectueux. Découvrons ensemble ces traditions fascinantes qui traversent les continents et les époques.
Le placenta dans les croyances anciennes : une âme jumelle du nouveau-né
Selon le livre « Le Placenta : rituels et usages thérapeutiques » de Cornelia Enning aux Éditions du Hêtre, nos ancêtres ont pensé pendant des siècles qu'une partie de l'âme du nouveau-né restait dans le placenta. Cette croyance témoigne de l'importance symbolique accordée à cet organe mystérieux.
En Égypte ancienne, on croyait que cet organe était l'âme jumelle du Pharaon ; on le coupait donc avec un couteau spécifique qui, assurait-on, avait des propriétés magiques. Cette pratique révèle à quel point le placenta était perçu comme intimement lié à l'identité et au destin de l'enfant.
En Allemagne et en France, on plantait un arbre près de la maison et on y enterrait, au pied, le placenta, pour que l'enfant soit beau, intelligent et vertueux. Dans d'autres régions, on l'accrochait et on le laissait sécher à l'intérieur des habitations, transformant ainsi cet organe en véritable gardien du foyer familial.

Les traditions du placenta à travers les continents
Aujourd'hui, de nombreuses cultures conservent encore certaines traditions du placenta, chacune avec ses particularités et sa symbolique propre.
En Chine, par exemple, on le considère comme un remède à la vieillesse et un véritable élixir de jeunesse. Il est d'ailleurs consommé sous forme de soupe et peut être acheté sur les marchés à des prix variant entre 20 et 300 Yuans. Cette pratique millénaire témoigne de la valeur accordée aux propriétés thérapeutiques du placenta.
Au Yémen, on l'étale sur le toit des maisons pour que les oiseaux le mangent, symbolisant ainsi le retour à la nature et au cycle de la vie. En Indonésie, on considère le placenta comme le petit frère ou la petite sœur du nouveau-né, car ils sont les esprits protecteurs du bébé. Le père a la responsabilité de l'enterrer dans le jardin familial après l'avoir soigneusement nettoyé, et si le rituel est mal effectué, on croit que la maladie peut menacer la mère et son enfant.
Au Népal, quand un bébé sourit de façon inopinée, les parents disent qu'il joue avec son frère aîné, le placenta. Cette vision poétique illustre la relation spirituelle qui unit l'enfant à son placenta. Au Soudan, de nombreux placentas sont enterrés près de la Faculté de Médecine, dans l'espoir que l'enfant devienne un jour médecin, transformant ainsi le rituel en projection d'avenir.
Au Pérou, on prétend que lorsque la femme est enceinte, elle porte deux vies en elle : le fœtus et le placenta. Dans certains courants de l'Islam, le placenta est enterré suivant un rituel réalisé uniquement par des femmes, soulignant l'importance du lien féminin dans ces cérémonies de naissance.
Le placenta comme talisman et objet de protection
Dans certains cas, le placenta est aussi considéré comme un talisman aux pouvoirs protecteurs. Certains enfants portent des morceaux de placenta séché autour du cou ou des morceaux de cordon ombilical dans l'ourlet de leur veste ou cachés dans leur cartable. Ces pratiques, qui peuvent sembler surprenantes pour la culture occidentale moderne, sont profondément ancrées dans les traditions de protection de l'enfant.
Des parents gardent aussi parfois un petit morceau de placenta pour fabriquer des granulés homéopathiques, une pratique qui rejoint l'idée que le placenta contient des propriétés bénéfiques pour la santé de l'enfant. Cette approche fait le pont entre tradition ancestrale et médecine alternative contemporaine.
À Bali, le placenta est nettoyé, placé dans un récipient avec une graine et enterré à l'extérieur de la maison lors d'une cérémonie complexe. Le jeune arbre qui pousse sera utilisé pour enseigner à l'enfant l'importance de la responsabilité, créant ainsi un lien tangible entre l'enfant et la terre qui l'a vu naître.
La consommation du placenta : tradition millénaire et pratique moderne
Il existe aussi actuellement un courant prônant les avantages de manger le placenta après l'accouchement ; on trouve même des recettes pour le préparer...
Il semblerait que les cellules et vitamines contenues dans le placenta aident à une meilleure récupération après l'accouchement. Cette pratique, appelée placentophagie, s'appuie sur l'observation que la plupart des mammifères consomment leur placenta après la mise bas. Les partisans de cette pratique affirment qu'elle permet de prévenir la dépression post-partum, d'augmenter la production de lait maternel et de restaurer les niveaux de fer après l'accouchement.
Certaines femmes choisissent de consommer le placenta cru en smoothie, d'autres le font déshydrater pour en faire des capsules plus faciles à ingérer. Cette tendance, qui gagne en popularité dans les pays occidentaux, témoigne d'un retour vers des pratiques ancestrales dans une société moderne en quête de naturalité. Cependant, il est important de consulter des professionnels de santé avant d'adopter cette pratique, car les études scientifiques sur ses bénéfices réels restent limitées.
Entre modernité et tradition : le placenta aujourd'hui
Dans nos sociétés occidentales modernes, le placenta est généralement considéré comme un déchet biomédical et finit dans les sacs poubelles hospitaliers. Pourtant, de plus en plus de parents redécouvrent ces rites ancestraux ou en inventent de nouveaux, souhaitant pouvoir disposer librement du placenta de leur enfant.
Certaines familles choisissent de créer des empreintes placentaires sur du papier aquarelle, le sang servant d'encre naturelle. Le résultat donne une sorte d'arbre, un arbre de vie, celui de l'enfant. Cette pratique artistique permet de conserver un souvenir tangible de la grossesse tout en respectant le caractère sacré du placenta.
D'autres optent pour l'enterrement du placenta dans leur jardin, parfois accompagné de la plantation d'un arbre qui grandira avec l'enfant. Cette tradition, pratiquée notamment par les Maoris en Nouvelle-Zélande, honore le lien avec la Terre-Mère et crée un ancrage symbolique fort pour l'enfant.
La pratique du lotus birth, d'origine hindouiste, consiste à ne pas couper le cordon reliant le bébé et le placenta au moment de la naissance. L'enfant reste attaché à son placenta jusqu'à ce que ce dernier se dessèche et tombe de lui-même, soit environ 3 à 10 jours après la naissance. Cette approche respecte le rythme naturel de séparation entre l'enfant et son placenta.
Vos questions fréquentes concernant les rituels du placenta
1. Est-il légal de récupérer son placenta à l'hôpital en France ?
En France, la législation concernant la récupération du placenta varie selon les établissements. Certaines maternités acceptent de le restituer aux parents qui en font la demande, tandis que d'autres considèrent le placenta comme un déchet biomédical devant être éliminé selon des protocoles stricts. Il est recommandé de se renseigner auprès de votre maternité dès le début de la grossesse si vous souhaitez récupérer votre placenta.
2. Pourquoi autant de cultures accordent-elles une importance au placenta ?
Le placenta est l'organe qui a nourri et protégé le bébé pendant neuf mois. Dans de nombreuses cultures, il est perçu comme une partie de l'enfant, voire comme son jumeau spirituel. Cette vision reflète une compréhension profonde du lien entre la mère, l'enfant et cet organe extraordinaire qui a permis la vie.
3. Quels sont les risques liés à la consommation du placenta ?
Bien que pratiquée depuis des millénaires dans certaines cultures, la consommation du placenta n'est pas sans risques. Le placenta peut contenir des bactéries, des virus ou des substances toxiques accumulées pendant la grossesse. Les autorités sanitaires recommandent la prudence et conseillent de consulter un professionnel de santé avant d'entreprendre cette pratique.
4. Peut-on faire un rituel avec le placenta même en accouchant à l'hôpital ?
Oui, il est possible de prévoir un rituel avec le placenta même en cas d'accouchement hospitalier. L'essentiel est d'en discuter avec l'équipe médicale en amont et de vérifier les protocoles de l'établissement. Certains parents demandent à récupérer le placenta pour l'enterrer chez eux ou réaliser une empreinte placentaire dans les heures qui suivent l'accouchement.
Conclusion : honorer le placenta, honorer la vie
Les rituels du placenta à travers le monde nous rappellent que la naissance est bien plus qu'un événement médical : c'est un passage sacré, chargé de symboles et de significations profondes. Que l'on choisisse d'enterrer le placenta, de le consommer, de créer une empreinte artistique ou simplement de prendre un moment pour honorer son rôle, ces gestes témoignent d'une reconnaissance envers cet organe extraordinaire qui a permis la vie.
Dans notre société moderne, où le placenta finit souvent aux oubliettes hospitalières, ces traditions ancestrales nous invitent à réfléchir à notre rapport à la naissance et à reconnecter avec des pratiques plus conscientes et respectueuses. Qu'elles soient motivées par des croyances spirituelles, culturelles ou simplement par le désir de créer un rituel de passage significatif, ces pratiques autour du placenta enrichissent notre expérience de la maternité et renforcent le lien avec nos racines et nos traditions.
Et vous, saviez-vous que vous pouviez choisir ce qui adviendrait de votre placenta ? Cette question mérite d'être posée bien avant l'accouchement, pour que ce moment extraordinaire soit vécu pleinement, en accord avec vos valeurs et vos souhaits.


