L'agressivité est l'un des aspects les plus importants de la vie psychique : c'est grâce à elle que nous affrontons le monde, que nous prenons des décisions, que nous sommes créatifs et actifs. C'est une réaction naturelle et positive au danger, un mécanisme de défense qui sert à assurer notre survie. Cependant, lorsqu'elle est mal gérée, cette agressivité se transforme en violence : elle peut se manifester par des mots (lorsqu'il s'agit d'insultes ou d'humiliations), par des actes (c'est-à-dire des coups), mais aussi en imposant une violence, ou une une obligation.
Les enfants peuvent manifester leur agressivité de multiples façons : cracher, donner des coups de pied, tirer les cheveux ou griffer, lancer des objets, endommager ou s'approprier les biens d'autrui, ou encore par des expressions de mépris, des menaces et du chantage. Il faut se garder d'interpréter ces attitudes comme de la "méchanceté", car elles révèlent, bien que de manière inappropriée, le besoin d'affirmation de soi de l'enfant. Selon les psychologues, ces attitudes sont le signe d'un malaise profond : elles révèlent le manque d'attention de l'enfant à l'égard des autres, mais aussi de lui-même ; elles témoignent d'une incapacité à gérer les conflits de manière appropriée ; elles dénotent une difficulté à s'exprimer et elles dénotent une difficulté à exprimer sa propre individualité.
Selon les résultats de nombreuses études sur les enfants âgés de trois à cinq ans, un enfant se bat en moyenne toutes les cinq minutes : les filles préfèrent pleurer, tandis que les garçons frappent. Entre trois et quatre ans, l'utilisation des mains et la morsure sont les moyens les plus courants d'exprimer l'agressivité, tandis qu'entre quatre et six ans, les insultes et les menaces remplacent les coups de pied et les bousculades. Ces épisodes d'agressivité sont souvent difficiles à comprendre et s'expliquent souvent par l'imitation du comportement agressif de l'adulte. En réalité, même les enfants qui ont été bien élevés et avec douceur présentent souvent des comportements agressifs spontanés.
Conseils pour les parents d'un enfant agressif
Voici quelques conseils du pédiatre américain T. Berry Brazelton aux parents qui s'inquiètent du comportement agressif de leurs enfants.
- Jusqu'à l'âge de cinq ans environ, il est normal qu'un enfant ait un comportement oppositionnel et agressif. S'il devait céder sans se battre, ce ne serait pas un comportement normal. Les parents doivent donc attendre de voir comment il se rebelle, et l'accompagner de manière appropriée.
- Mettez-le au défi. N'attendez pas de lui qu'il prenne toujours l'initiative. Encouragez-le plutôt à entreprendre de nouvelles tâches : "Veux-tu que je t'apprenne à utiliser l'ordinateur ? Veux-tu que nous apprenions à faire fonctionner le lave-vaisselle ?
- S'inquiéter s'il est trop "sage". Un enfant de trois ans trop obéissant devrait être plus inquiétant qu'un enfant rebelle. Celui qui n'éprouve jamais le besoin de tester ses propres limites et qui s'efforce de plaire à tout le monde sacrifie son propre développement. Souvent, ses efforts se manifestent par des tics, des comportements obsessionnels et des cauchemars. Dans ce cas, un remède s'impose : certains signes indiquent que l'enfant est soumis à une pression trop forte.
Pourquoi l’enfant se comporte-t-il de manière agressive ?
Chez l'enfant, l'agressivité se manifeste principalement pour quatre raisons, qui sont souvent difficilement reconnaissables parce qu'elles sont mélangées.
L’agressivité due à la possession
L'enfant a un désir impérieux de posséder, en exclusivité, un objet, une idée ou un rôle. D'où le refus absolu d'attendre son tour pour posséder ce qu'il désire. Le temps qui le sépare de la réalisation de son désir est un temps qu'il est incapable de prévoir et qui, pour lui, est infini ; une éternité à laquelle il n'entend pas se soumettre.
L’agressivité pour le pouvoir
Le pouvoir trouve son origine dans le désir de l'enfant de s'affirmer, de faire aux autres "ce qu'il a l'impression qu'ils lui font". Dans ce cas, l'enfant réagit de manière agressive aux interférences des autres, adultes et enfants. Il s'oppose à eux en revendiquant pour lui-même une position de contrôle suprême sur les autres, par un acte verbal ou physique agressif. L'enfant dont le comportement agressif est généré par le pouvoir est ambitieux pour l'acquisition de l'autorité dont il se sent souvent victime.
L’agressivité du fait de la rivalité
Les situations peuvent être de deux types, rivalité envers les pairs ou envers un adulte. Dans les premières années de la vie, tous les enfants voient dans les autres enfants des rivaux redoutables et puissants. D'un certain point de vue, ce sentiment témoigne de la capacité effective de l'enfant à s'insérer dans un groupe social : c'est comme si les comportements agressifs envers les autres enfants constituaient une sorte de "jeu expérimental", une tentative de découvrir qui sont les autres et une manière d'entrer en relation avec eux.
En tout état de cause, la rivalité pour l'affection parentale est la première et véritable cause de l'hostilité des enfants : la dépendance à l'égard de l'amour parental leur fait vivre la présence d'un autre enfant comme une menace. C'est pourquoi il est plus facile pour un enfant de trois ans d'éprouver des sentiments d'amitié à l'égard d'enfants plus âgés. Ces derniers ne sont pas perçus comme des intrus dont la présence suscite la peur de l'abandon par les parents. De même, l'amour réciproque des parents est vécu par les enfants comme une menace qui les exclut et les sépare de la possession totale et exclusive des adultes qu'ils aiment tant. Cette forte ambivalence (aimer et haïr la même personne en même temps) place l'enfant dans une situation de tension, dont il se libère par des comportements hostiles et agressifs.
L’agressivité due à un sentiment d'infériorité, ou de supériorité, ou d'anxiété générale
Dans un monde d'adultes, l'enfant vit dans une condition permanente d'infériorité, qu'il exprime par une affirmation agressive de supériorité. D'où sa tendance à détruire les produits créatifs des autres enfants, comme s'il cherchait à détruire les preuves de son manque de capacité.
L'agressivité : un problème de confiance en soi
Les enfants qui se sentent inférieurs se sentent aussi constamment menacés par les autres. "Les situations qui peuvent constituer une menace pour l'enfant sont très variées", écrit Silvia Bonino dans son livre Children and Violence. Cependant, elles peuvent toutes être attribuées à un facteur commun : la nouveauté, l'étrangeté et la diversité mettent en péril l'image que l'enfant a de lui-même et la façon dont il veut que les autres le voient. Plus l'enfant a confiance en lui, moins il se sentira menacé et moins il aura recours à la violence ; plus l'image que l'enfant a de lui-même est positive, moins il se sentira inadéquat et moins il aura de difficultés à entrer en relation avec d'autres enfants.
Les spécialistes affirment que l'enfant agressif n'a "jamais reçu d'enseignement sur les émotions" : par exemple, personne ne lui a jamais dit que la colère, la déception ou l'impulsivité existent, mais qu'elles peuvent être contrôlées et contenues. Dans une étude menée par le département de criminologie de l'université de Toronto (Canada), 850 sujets ont été observés pendant plus de 20 ans. Les enfants définis comme agressifs à l'âge de huit ans, et qui se sont également révélés agressifs à l'âge de 13 et 30 ans, présentaient une probabilité beaucoup plus élevée que la moyenne de manifester des attitudes violentes.
Les chercheurs ont conclu que si les enfants étaient autorisés à "agir de manière arrogante", ils étaient plus susceptibles de développer des attitudes antisociales à l'adolescence et à l'âge adulte. Il y a toutefois un fait réconfortant : les chercheurs affirment que les enfants apprennent à contrôler leur agressivité en fonction de la façon dont les adultes réagissent à leur égard.
L'enfant agressif n'est pas mauvais
Les manifestations de l'agressivité sont multiples : mordre, cracher, donner des coups de pied, tirer les cheveux, griffer, lancer des objets, détruire ou s'approprier le travail d'autrui, exprimer verbalement son mépris, menacer ou boycotter. En particulier, la morsure est l'un des premiers outils de l'enfant pour explorer le monde. Le passage de la succion à la morsure implique un nouveau comportement face à la réalité : téter signifie assimiler, accepter et incorporer, tandis que mordre signifie confronter, marquer et avoir une attitude active face aux objets qui l'entourent. C'est pourquoi il faut être très prudent lorsque l'on interprète ce type de comportements comme "mauvais", alors qu’ils ne représentent que les manifestations du besoin d'affirmation de l’enfant.
Certains enfants se lancent dans la bagarre. D'autres, lorsqu'ils sont en colère, se retirent dans un coin et froncent les sourcils. Outre la diversité des comportements, il existe un point commun entre l'enfant autoritaire et le bambin colérique : aucun des deux n'a encore appris à exprimer ses émotions, affirment les psychologues. Il faut donc leur apprendre que la colère existe, tout comme la déception ou l'impulsivité.
Que faire si votre enfant est agressif ?
Ne pas permettre à l'enfant de réaliser ses objectifs de manière agressive
Si l'enfant a conquis un objet de manière autoritaire, rendez-le à celui qui l'avait avant ; si l'enfant a frappé, retirez-le du groupe d'enfants avec lequel il joue. Pour rendre la solution plus efficace, il est toujours utile de souligner les avantages d'un bon comportement : "Maintenant, tu vas m'obliger à t'enlever tes feutres, parce que tu gribouilles sur les cahiers de tes camarades ; quand tu les utiliseras correctement, je te les rendrai".
Evitez de l'accuser
Des phrases telles que : "Tu es un mauvais enfant" donnent à l'enfant le sentiment d'être incompris et soulignent l'hostilité et l'incompréhension qui se sont créées autour de lui. Au contraire, prenez l'enfant seul, écoutez ses raisons et expliquez-lui que son attitude dérange les autres et l'empêche de profiter de la compagnie de ses amis : "Aimerais-tu que d'autres enfants se comportent ainsi avec toi ?
N'utilisez pas la violence pour réprimer l'agressivité
Frapper un enfant pour l'empêcher de frapper n'a jamais fonctionné, car l'enfant pense que ceux qui frappent le plus sont les plus forts. Si, à l'occasion, une gifle ou une fessée vous échappe, lorsque vous aurez retrouvé votre calme, excusez-vous et expliquez que vous avez laissé votre colère prendre le dessus : "Je suis désolé, je suis comme toi aussi, quand tu me mets en colère, je ne peux pas me contrôler. Nous devons tous les deux faire mieux".
Ne lui faites jamais douter de votre amour
Un enfant ne peut jamais douter de l'amour de ses parents. Nous avons vu que l'agressivité naît souvent du sentiment d'être exclu ou rejeté. Il est donc essentiel que l'enfant ne doute jamais de l'amour que vous lui portez : vous devez condamner son attitude, mais pas lui. Si vous voulez changer l'attitude de votre enfant, vous devez lui accorder beaucoup d'attention, lui montrer de l'amour et l'encourager, en lui expliquant que ce n'est pas lui que vous n'aimez pas, mais sa façon d'agir. Si vous traversez une période difficile (naissance d'un frère ou d'une sœur, déménagement ou difficultés financières), essayez de trouver le temps, même si vous en avez peu, et la manière appropriée de le rassurer, en lui faisant sentir votre amour.
Ne concentrez pas toute votre attention sur votre enfant
Parfois, les enfants se comportent ainsi précisément pour attirer l'intérêt des autres. Par conséquent, dans certains cas, il peut être plus utile de faire semblant de ne pas se rendre compte de son agressivité ou de son comportement déplacé : s'il est ignoré, il peut décider que cela ne vaut pas la peine de provoquer les autres.
Face à un enfant agressif, nous avons tendance à considérer cet épisode comme une confirmation supplémentaire de son caractère agressif. Vous devez vous efforcer de le traiter non pas comme il est, mais comme vous aimeriez qu'il soit. Essayez donc de vous éloigner de l'image que vous vous êtes faite de lui pour essayer de le voir autrement : il est vrai qu'il est autoritaire et agressif, mais il est aussi doux ; il a parfois montré qu'il pouvait obtenir ce qu'il voulait d'une manière pacifique. Ce sont ces qualités positives que vous devez renforcer. Adressez-vous à lui avec des mots qui l'aident à comprendre qu'il est vraiment capable d'être gentil : "Pas de coups. Tu sais très bien que tu es capable d'obtenir ce que tu veux sans utiliser la force" ou "Je sais que tu peux être gentil et demander les choses poliment". En recevant une image différente de lui-même, l'enfant commencera à se considérer différemment. Bien entendu, il est toujours bon de le féliciter devant les autres.
Comment aider votre enfant à se contrôler
Ne l'affrontez pas de manière brutale. Tout d'abord, laissez la colère passer d'elle-même ; votre intervention le mettrait encore plus en colère, car il penserait que vous n'avez pas confiance en ses capacités.
Aidez-le à voir ce qu'il se passe
Lorsqu'un enfant perd patience, il devient destructeur ; aveuglé par la colère, il ne voit pas les conséquences de ses actes ; en le contrant, vous risquez d'encourager ses réactions impulsives. Il faut donc s'approcher de lui, le regarder dans les yeux et lui dire calmement : "Qu'est-ce qui se passe ? Si tu continues comme ça, je vais devoir .... Eh bien, c'est ton choix". Il s'agit de l'aider à observer ce qui se passe, à trouver un point à partir duquel il pourra évaluer son comportement et en tirer des conclusions.
Demandez-lui de décrire ce qu'il ressent
Expliquez-lui qu'il est naturel d'éprouver des émotions fortes, que cela arrive à plus ou moins tout le monde et qu'il est normal que notre corps réagisse en nous faisant bégayer ou transpirer. De même que lorsque nous avons mal à la gorge ou à l'estomac, nous avons généralement de la fièvre et que nous devons essayer de ne pas avoir de fièvre, il est également important de ne pas laisser nos émotions prendre le dessus, de les contrôler avant qu'elles ne prennent le dessus et ne nous poussent à faire des choses que nous n'avons pas vraiment envie de faire, comme frapper les murs. Aidez-le à définir le sentiment qui le submerge. Que signifie "en colère" pour lui ? Pourquoi se sent-il "déçu" ? John Gottman, professeur de psychologie à l'université de Washington (États-Unis), explique : « Les recherches montrent que le fait de nommer les émotions a un effet calmant sur notre système nerveux et nous aide à nous remettre plus rapidement de situations perturbantes. »
Encouragez-le à vous dire comment les émotions fortes agissent sur lui et comment elles se produisent. Pour l'aider, vous pouvez lui demander ce qu'il ressent lorsqu'il a peur. Il pourrait répondre : "Mes jambes tremblent, mon cœur bat très vite et j'ai envie de m'enfuir". S'il ne peut pas le dire, vous pouvez l'aider : "As-tu l'impression d'avoir une boule dans la gorge ?
Encouragez-le à se décharger par le mouvement
Apprenez à votre petit à ne pas refouler ses émotions, mais à les libérer par le corps. Il ne s'agit pas de frapper son partenaire ou de lui donner un coup de pied contre le mur : "Tu es sur le point d'exploser de colère ? Alors cours, saute, crie", ou encore : "Si tu es très triste, il vaut mieux pleurer. »
Suggérez-lui d'expliquer ses raisons à la personne directement concernée. S'il peut en parler calmement, il aura plus de chances d'être écouté.
Télévision, écrans, tablette : Agressivité et inattention des enfants
Selon les statistiques, les enfants qui passent plus d'heures devant la télévision ont tendance à être plus agressifs. On estime que lorsqu'un enfant entre pour la première fois à l'école, il emporte avec lui, en plus de son cartable, la mémoire de quelque 1 800 images violentes. À l'âge de 16 ans, un enfant a vu en moyenne 100 000 scènes de violence, que ce soit à la télévision ou sur l'ordinateur. Selon une étude menée par des chercheurs du Children's Hospital de Seattle (USA) et publiée dans la revue Pediatrics, la manifestation du TDAH (trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité) serait liée au fait que l'enfant a été fortement exposé à la télévision durant les premières années de sa vie. Il s'agit du trouble neurologique le plus fréquent chez l'enfant et, aux États-Unis, il touche entre 4 et 12 % des enfants en âge scolaire. Il se manifeste par des troubles de la concentration, des difficultés d'organisation et des attitudes impulsives. Le contenu des programmes télévisés, mais aussi le type d'images, souvent irréalistes et trop rapides, contribuent à perturber le développement harmonieux du cerveau.
Laisser votre enfant passer trop de temps devant les téléphones et autres tablettes n’est pas un service à lui rendre. Passez du temps avec lui en lisant des histoires ou en jouant à des jeux. Ce sera bien plus dur pour vous, mais autrement enrichissant pour votre trésor.