Un enfant se fait, a priori, à deux car il en va de l’équilibre psychique du bébé, et donc de l’enfant qu’il deviendra plus tard. Les mères célibataires qui ont un projet de maternité peuvent parfaitement s’en sortir si elles ont pensé leur projet dans l’intérêt du bébé.
Le père permet d’ouvrir
Dans un couple, les non-dits sont parfois subtils et il n’est pas rare que le projet bébé du couple ne soit en fait le projet que d’un seul membre (souvent la mère). Dans ce cas, c’est le manque de clarté sur la situation qui crée des illusions, des rancœurs et des disputes, parfois afin de mobiliser le conjoint ou la conjointe et le rallier à une envie commune. Pour comprendre ce phénomène, il faut s’arrêter sur le début, le désir du couple (ex. l’enfant est-il le fruit du couple ou l’homme ne sera-t-il qu’un moyen d’avoir un enfant ?) puis sur les accords tacites (ex. faire un enfant pour garder la relation). On sait que plus les parents sont réellement impliqués, plus l’équilibre de l’enfant et du couple se fera facilement et se consolidera.
En grandissant, le père aura une place et un rôle encore plus important à jouer pour permettre à l’enfant de s’attacher à une figure d’homme et de s’extraire de la relation de proximité mère-bébé. Toute relation à deux tend à manquer d’oxygène : inclure une troisième personne de manière stable, c’est donc permettre à l’enfant de trouver un autre point d’appui, de commencer à s’ouvrir au monde extérieur et pas uniquement au monde d’un seul de ses parents. Ce moment est souvent bien vécu si père et mère jouent leurs rôles correctement sans se sentir menacés d’exclusion par l’autre. La relation doit être ressentie comme une relation à trois et non comme une alternance de relation exclusive mère-enfant puis père-enfant.
Des habitudes sociales aux habitudes du couple
S’il est question d’accorder une place au père, de la penser, il est alors question, en contrepartie, qu’il la prenne ou la négocie. Les choses peuvent être simples mais concrètes : laisser au père du temps avec bébé ou lui proposer des « responsabilités » comme amener bébé chez le pédiatre sans maman afin qu’il puisse s’approprier des éléments de l’histoire, qu’il y participe et n’en soit pas extérieur.
C’est un mélange subtil où chacun doit pouvoir entendre les désaccords de l’autre. Beaucoup de femmes attendent que leurs maris « prennent leur place », en attendant en fait qu’il effectue les tâches bien précises qu’elles désirent lui assigner. L’exemple typique est l’achat du premier lit : on peut se demander, dans l’absolu, en quoi cette tâche revient au père. Plus grand, le père est attendu pour gronder les enfants quand il rentre du travail, pour faire respecter la parole de maman ; une programmation des rôles qui ne rendra service à personne à moyen terme... Il faut donc, au-delà des représentations sociales, distribuer des rôles et des fonctions selon les compétences de chacun des parents, et ce pour le bien de l’enfant. En discuter permet à chacun de ne pas se sentir contraint par l’autre.
De la place du père à la place du couple
La place du père, du papa, c’est aussi la place du mari, de l’homme avec sa femme. En somme, il est important que le couple continue à vivre, surtout s’il avait une identité en soi et fonctionnait sur les modes de la séduction et de la sexualité avant l’arrivée de bébé. Conserver sa relation de couple, c’est par exemple sortir sans bébé, se retrouver « comme avant » et ne pas se couper de ses relations sociales même si l’envie se fait normalement sentir au départ. Beaucoup de couples se réveillent quelques années après la naissance de bébé avec un désert social autour d’eux, désert qu’ils ont finalement bâti pour se protéger, mais qui désormais les emprisonnent.
On sait que les hommes peuvent avoir la crainte de transformer leur femme en maman, on sait aussi que les enfants arrivent parfois au moment où le désir décline... il n’en demeure pas moins que l’enfant ne peut être mis à la place d’une sexualité qui ferait défaut, arriver au moment où un couple ne se désire plus. On peut imaginer que l’investissement serait trop important, les conjoints ne se désirant plus mais se retrouvant au milieu d’un être surinvestit. Pour préserver la place du père, donc de la mère et du couple, il faut pouvoir penser son propre rythme, se reconnecter à ses envies, organiser des activités qui convoquent cette relation au-delà de la parentalité.
Il ne peut y avoir de bébé heureux si le couple ne va pas bien, si maman ou papa sont malheureux. Quelles que soient les tentatives de cacher à son enfant son malaise, celui-ci le ressentira tôt ou tard. Les enfants restent les révélateurs de ce que les parents n’arrivent pas à se dire à eux-mêmes. La pratique quotidienne me montre, en tant que clinicien, que les questions importantes remises aux lendemains, les problèmes cachés sous le tapis, ressurgissent toujours, et préférentiellement chez les enfants qui n’ont pas les capacités de les cacher.
Un père absent est d’abord un mari absent pour la mère, la question de savoir comment composer avec cela se posera quand la femme aura fait son chemin par rapport au père de son fils. Cela signifie qu’on ne peut reprocher l’absence du parent si l’on n’a pas d’abord constaté l’absence du conjoint car, a priori, on fait préférentiellement des enfants avec celui ou celle qu’on aime et qu’on désire. Du côté de bébé, ce qui compte c’est une stabilité dans la représentation masculine : le père ou un oncle, un grand-père... ce propos confirme que les couples homoparentaux ne créent pas de difficultés spécifiques chez leur enfant du moment qu’une figure féminine ainsi qu’une figure masculine sont présents sur le moyen, voire long terme, pour l’enfant, afin qu’il puisse s’y identifier.
Maximilien Bachelart, Dr en psychologie, psychothérapeute, travaille en cabinet privé en Seine-et-Marne (Gastins) et service judiciaire d’Assistance Educative auprès des familles.
www.maximilienbachelart.com