Le développement moteur de nos enfants nous interroge souvent, surtout lorsqu'ils adoptent des comportements inhabituels. Une maman nous confie ses préoccupations concernant sa fille de 22 mois qui refuse de marcher et continue à se déplacer uniquement à genoux. Cette situation, bien que déroutante, mérite une réponse claire et rassurante de la part d'un professionnel de santé.
Question de la maman :
Bonjour Docteur, ma fille de 22 mois ne marche pas et ne se déplace qu'à genoux. J'ai essayé de la stimuler, mais sans succès. À chaque fois elle revient à cette position. Cela lui semble très commode car ainsi, elle a les mains libres ; elle arrive même à « courir » à genoux et à poursuivre son frère de 4 ans. Je suis inquiète pour son apprentissage de la marche et pour ses genoux, très abîmés. Son pédiatre n'y prête aucune attention. Qu'en pensez-vous ? Que dois-je faire ? Merci.
Réponse du Pédiatre :
On considère que la tranche d'âge pour l'apprentissage de la marche se situe entre 6 et 18 mois. À 22 mois, il s'agit donc d'un retard, très probablement en raison d'un motif très banal, à savoir que votre enfant se trouve très bien ainsi et ne voit pas la nécessité de marcher.
Mon conseil est, avant tout, d'ignorer devant elle la façon dont votre fille se déplace, sans la gronder, la corriger ou faire de commentaire.
Se déplace-t-elle aussi à genoux dans la rue ? J'imagine que vous ne le lui permettez pas et qu'elle ne le fait qu'à la maison où elle ne risque pas de se faire mal. Si vous la sortez en poussette, réservez ce moyen de transport uniquement pour les trajets un peu longs, comme « roue de secours ».
Tout ceci, bien entendu, après s'être assuré qu'il n'y a aucun problème de motricité et que le développement psychomoteur de l'enfant est normal.
Comprendre les variations dans l'acquisition de la marche
L'apprentissage de la marche varie considérablement d'un enfant à l'autre. Certains bébés marchent dès 9 mois tandis que d'autres attendent 18 mois ou plus, sans que cela ne soit problématique. Cette grande variabilité s'explique par plusieurs facteurs : le tonus musculaire propre à chaque enfant, son tempérament, les stimulations qu'il reçoit et même son poids.
Dans le cas de votre fille, elle a découvert une méthode de déplacement qui lui convient parfaitement : se déplacer à genoux lui offre stabilité et liberté de mouvement. Elle peut même courir et jouer avec son grand frère dans cette position, ce qui lui apporte satisfaction et autonomie. Cette efficacité perçue constitue justement l'obstacle principal à l'apprentissage de la marche : pourquoi changer une méthode qui fonctionne si bien ?
Il est important de noter que les enfants passent par différentes phases de développement moteur. Certains privilégient le quatre pattes, d'autres se déplacent sur les fesses, et certains, comme votre fille, adoptent la position à genoux. Ces variations font partie du développement normal, même si elles peuvent sembler inhabituelles.
Comment encourager la marche sans pression
La clé pour aider votre fille réside dans une approche indirecte et positive. Plutôt que d'insister ou de la corriger constamment, créez des situations où la marche devient naturellement attrayante et nécessaire.
- Limitez les déplacements à genoux à l'extérieur : Lors des sorties, encouragez-la à marcher en lui tenant la main. À l'extérieur, le sol irrégulier et les nouvelles découvertes peuvent stimuler son envie de se tenir debout.
- Réduisez progressivement l'usage de la poussette : Utilisez-la uniquement pour les longues distances, en privilégiant les courtes promenades à pied pour développer son endurance et sa confiance.
- Créez des occasions motivantes : Placez ses jouets préférés en hauteur, sur une table basse par exemple, pour l'encourager à se mettre debout naturellement.
- Valorisez ses tentatives sans commentaire négatif : Célébrez discrètement chaque pas qu'elle fait debout, sans pour autant critiquer ses déplacements à genoux.
L'objectif est de rendre la marche plus intéressante que son mode de déplacement actuel, sans créer de conflit ou de frustration. Les enfants apprennent mieux dans un environnement encourageant et sans pression excessive.
Quand faut-il vraiment s'inquiéter d'un retard de marche ?
Si le pédiatre de votre fille ne manifeste pas d'inquiétude, c'est généralement bon signe. Néanmoins, certains signes nécessitent une attention particulière et justifient une consultation auprès d'un spécialiste du développement moteur, comme un kinésithérapeute pédiatrique ou un psychomotricien.
Voici les situations qui méritent une évaluation approfondie :
- Un enfant de plus de 20 mois qui ne se met pas debout du tout, même en s'appuyant sur des meubles
- L'absence complète de tentatives de déplacement, quelle que soit la méthode
- Des difficultés motrices associées dans d'autres domaines : préhension des objets, coordination œil-main
- Un retard dans plusieurs domaines du développement : langage, socialisation, motricité fine
- Une régression motrice : un enfant qui marchait et qui cesse de le faire
- Une asymétrie marquée dans les mouvements : utilisation préférentielle d'un seul côté du corps
Dans votre cas, votre fille présente de bonnes capacités motrices : elle se déplace efficacement, poursuit son frère, et utilise ses mains librement. Ces éléments sont rassurants quant à son développement global. Le fait qu'elle puisse courir à genoux démontre une bonne coordination et un tonus musculaire adéquat.
Protéger les genoux sans renforcer le comportement
Votre inquiétude concernant l'état des genoux de votre fille est légitime. Les genoux abîmés peuvent être inconfortables et, dans certains cas, constituer une porte d'entrée pour des infections cutanées.
Quelques solutions pratiques peuvent aider à protéger ses genoux tout en encourageant progressivement la marche. À la maison, vous pouvez installer des tapis épais ou des surfaces douces dans les zones où elle se déplace le plus fréquemment. Évitez toutefois les genouillères ou protections visibles, car elles pourraient rendre cette position encore plus confortable et donc la renforcer.
Veillez à bien hydrater la peau de ses genoux avec une crème réparatrice le soir, après le bain. Si des plaies apparaissent, nettoyez-les soigneusement et appliquez un antiseptique pour prévenir les infections. En cas de lésions importantes ou persistantes, n'hésitez pas à consulter votre médecin.
Il est également important de maintenir un environnement sécurisé où elle peut explorer sans danger, que ce soit à genoux ou debout. Cette sécurité lui permettra de gagner en confiance pour tenter de nouvelles expériences motrices, y compris la marche.
Vos questions fréquentes concernant le retard de marche chez l'enfant
1. Mon enfant se déplace à genoux depuis plusieurs mois, va-t-il développer une déformation permanente ?
Non, les déplacements à genoux, même prolongés, n'entraînent généralement pas de déformations permanentes chez l'enfant. Les articulations et les os des jeunes enfants sont très souples et s'adaptent facilement. Une fois que votre enfant commencera à marcher régulièrement, ses genoux retrouveront un aspect normal. Toutefois, si vous constatez une asymétrie importante ou une déformation qui persiste après l'acquisition de la marche, consultez un pédiatre.
2. Dois-je absolument empêcher mon enfant de se déplacer à genoux ?
Non, il n'est pas recommandé d'interdire ce mode de déplacement de manière stricte. Cela pourrait créer des tensions et freiner sa motivation à explorer. L'approche idéale consiste à ne pas y prêter attention à la maison tout en encourageant discrètement la marche, notamment lors des sorties extérieures où ce mode de déplacement est moins pratique et moins confortable.
3. À partir de quel âge doit-on vraiment s'inquiéter si un enfant ne marche toujours pas ?
La majorité des professionnels de santé recommandent une évaluation spécialisée si un enfant ne marche pas du tout à 18-20 mois. Cependant, si l'enfant présente d'autres signes de développement moteur normal (se tenir debout, se déplacer par d'autres moyens, bonne coordination), on peut attendre jusqu'à 24 mois avant de s'alarmer. Votre pédiatre reste le meilleur interlocuteur pour évaluer la situation individuellement.
4. Les chaussures peuvent-elles aider mon enfant à marcher plus facilement ?
Au contraire, il est préférable de laisser votre enfant pieds nus le plus souvent possible lorsqu'il apprend à marcher. Cela lui permet de mieux sentir le sol et développer son équilibre naturel. Les chaussures ne doivent être utilisées qu'à l'extérieur pour protéger les pieds, et elles doivent être souples, légères et parfaitement adaptées à sa pointure.
5. Mon pédiatre me dit de ne pas m'inquiéter, mais je reste anxieuse. Que faire ?
Votre instinct parental est précieux. Si malgré les réassurances de votre pédiatre vous restez préoccupée, vous pouvez demander une consultation auprès d'un kinésithérapeute pédiatrique ou d'un psychomotricien. Ces spécialistes pourront évaluer précisément le développement moteur de votre enfant et vous proposer, si nécessaire, des exercices adaptés. Un second avis peut aussi vous aider à retrouver votre sérénité.
Conclusion : patience et confiance dans le rythme de votre enfant
Le développement de la marche suit un calendrier propre à chaque enfant. Votre fille de 22 mois a trouvé un mode de déplacement qui lui convient et qui témoigne de bonnes capacités motrices. L'essentiel est d'adopter une attitude patiente et encourageante, sans pression ni anxiété visible.
En créant des opportunités naturelles pour la marche, en limitant les déplacements à genoux lors des sorties, et en maintenant un environnement stimulant, vous l'aiderez à franchir cette étape à son rythme. Si les signes de développement global restent positifs et que votre pédiatre ne manifeste pas d'inquiétude, il y a toutes les raisons d'être optimiste. Votre fille marchera bientôt, quand elle sera prête à abandonner sa méthode actuelle pour découvrir les joies de la marche debout.
