Quand votre enfant manifeste une préférence marquée entre ses deux grand-mères, cela peut créer des tensions familiales importantes. Irène, 16 mois, refuse catégoriquement d'aller chez sa grand-mère maternelle tout en accueillant sa grand-mère paternelle avec enthousiasme. Cette situation, plus fréquente qu'on ne le pense, soulève de nombreuses questions chez les jeunes parents. Comment expliquer ces réactions si différentes ? Que faire pour apaiser ces tensions ? Voici les conseils d'un pédiatre pour comprendre et gérer sereinement cette préférence affective.
La question de cette maman
Ma fille Irène a 16 mois. Depuis ses 6 mois, quand j'ai commencé à travailler à nouveau, elle reste avec ses grands-mères, une semaine avec la grand-mère maternelle et une semaine avec la grand-mère paternelle.
Nous ne savons pas pourquoi, mais quand sa grand-mère maternelle (ma mère) vient la chercher pour l'emmener chez elle, elle se met à pleurer, est en colère, furieuse, commence à crier de façon exagérée et elle ne veut pas aller avec elle. En revanche, la semaine où elle doit aller chez sa grand-mère paternelle, dès qu'elle la voit elle commence à dire « mamie, mamies », elle veut aller avec elle, elle n'écoute plus personne et ne voit que sa grand-mère.
Quand elle la voit dans la rue ou au supermarché, elle veut aller avec elle, quand elle voit sa grand-mère maternelle quelque part, elle veut s'en aller, elle ne veut pas la voir... Nous ne connaissons pas la raison de ces réactions.
Par conséquent, mon mari et moi avons décidé que, en septembre, nous la mettrons à la crèche ou nous chercherons une nourrice qui s'occupera d'elle pendant mes cinq heures d'absence quand je suis au travail. Mais nous ne sommes pas tout à fait sûrs : nous ne savons pas quoi faire, car nous voulons qu'elle soit avec ses grands-mères, parce qu'elles veulent l'avoir, mais le fait qu'elle veuille être avec une grand-mère et pas avec l'autre, nous fait douter. S'il vous plaît, qu'est-ce qui serait le mieux ? Je vous remercie.
Comprendre les préférences affectives chez les tout-petits
À l'âge d'Irène, les enfants développent déjà des critères de préférence envers certaines personnes. Ces préférences ne sont pas le fruit du hasard mais reposent sur plusieurs facteurs fondamentaux. L'empathie naturelle, le style de communication, les activités proposées et même le tempérament de chaque adulte influencent la qualité du lien qui se tisse avec l'enfant.
Entre 12 et 18 mois, les bébés sont particulièrement sensibles aux interactions qu'ils vivent au quotidien. Ils mémorisent les expériences positives et développent une sécurité affective avec les personnes qui répondent à leurs besoins de manière cohérente et rassurante. Cette période correspond à la phase d'attachement où l'enfant commence à élargir son cercle de confiance au-delà de ses parents.
Il est également important de noter que les jeunes enfants expriment leurs émotions de façon intense et parfois disproportionnée. Les pleurs et la colère manifestés par Irène ne signifient pas nécessairement un rejet définitif, mais plutôt une difficulté à s'adapter à une situation ou à un mode de relation qui ne lui convient pas pleinement.

La réponse du pédiatre : analyser les comportements de chacune
Pour le savoir, ou du moins pour avoir une idée plus ou moins approximative de la raison du comportement de votre fille, il faudrait d'abord savoir quel comportement les deux grand-mères ont avec elle.
Je ne veux en aucun cas dire que la grand-mère maternelle agit mal, loin de là, mais il semble clair qu'elle agit d'une façon qui ne plaît pas à l'enfant. Il est également vrai qu'à l'âge de votre fille, les enfants ont déjà des critères de préférence envers certaines personnes, que ce soit par empathie, parce que la grand-mère paternelle la gâte plus, ou quoi que ce soit d'autre.
Il semble logique que le moyen d'en finir avec ces préférences est la solution « salomonique », c'est-à-dire que votre fille accepte tout simplement la nouvelle situation, mais je pense que la clarification de la cause de la réaction de l'enfant est de savoir exactement comment agissent l'une et l'autre des « mamies » avec elle.
Le pédiatre soulève un point essentiel : observer objectivement le comportement de chacune des grand-mères avec l'enfant. Sans porter de jugement, il s'agit de comprendre quelles différences existent dans leur façon d'interagir avec Irène. La grand-mère paternelle propose-t-elle plus de jeux ? Est-elle plus détendue ? A-t-elle un rythme plus adapté aux besoins de l'enfant ?
À l'inverse, la grand-mère maternelle a peut-être des attentes différentes, un cadre plus strict, ou simplement une manière de communiquer qui ne correspond pas encore au tempérament d'Irène. Ces différences ne traduisent pas forcément une incompétence, mais plutôt des styles éducatifs distincts qui résonnent différemment chez l'enfant.
Les solutions possibles pour apaiser la situation
Face à cette situation délicate, plusieurs options s'offrent aux parents d'Irène. Chacune présente des avantages et des inconvénients qu'il convient de peser attentivement :
- Maintenir l'alternance tout en accompagnant progressivement l'enfant : cette solution permet de préserver le lien avec les deux grand-mères. Elle nécessite toutefois patience et temps pour que la petite s'habitue. Des rituels de transition peuvent faciliter les passages d'une maison à l'autre.
- Privilégier temporairement la grand-mère paternelle : cette option apporte une stabilité immédiate à l'enfant et réduit son stress. En revanche, elle risque de créer des tensions familiales et d'éloigner progressivement la grand-mère maternelle de sa petite-fille.
- Opter pour la crèche ou une assistante maternelle : cette solution neutre évite les conflits familiaux et offre à l'enfant un environnement professionnel adapté à son développement. La socialisation en collectivité présente de nombreux bénéfices pour les tout-petits.
- Combiner les modes de garde : alterner entre crèche et garde par la grand-mère préférée quelques jours par semaine peut constituer un compromis équilibré.
Quelle que soit la décision prise, il est primordial d'impliquer les deux grand-mères dans la réflexion. Une discussion ouverte et sans accusation peut permettre d'identifier les sources du problème et d'envisager des ajustements dans les pratiques de garde.
Favoriser une relation harmonieuse avec les grands-parents
Les grands-parents jouent un rôle fondamental dans le développement affectif et social des enfants. Ils représentent une source de stabilité, de transmission et d'affection inconditionnelle. Pour préserver ces liens précieux tout en respectant les préférences de l'enfant, quelques pistes peuvent être explorées.
D'abord, encourager des moments courts et progressifs avec la grand-mère moins appréciée peut permettre de reconstruire la relation sans brusquer l'enfant. Organiser des activités ludiques et positives ensemble, en présence des parents au début, aide à créer de nouveaux souvenirs agréables.
Ensuite, dialoguer avec la grand-mère maternelle pour comprendre son ressenti et lui proposer des pistes d'amélioration peut se révéler bénéfique. Peut-être n'est-elle pas consciente de certains comportements qui déplaisent à l'enfant ? Une remise en question constructive, loin de tout jugement, permettra d'ajuster sa manière d'être avec sa petite-fille.
Enfin, respecter le rythme et les besoins de l'enfant reste la priorité absolue. Un enfant qui se sent contraint développera davantage de résistance qu'un enfant accompagné avec patience dans ses découvertes relationnelles.
Vos questions fréquentes concernant les préférences affectives de bébé
1. Est-il normal qu'un bébé préfère un grand-parent à un autre ?
Oui, c'est tout à fait normal. Dès l'âge de 16 mois, les enfants développent des préférences basées sur leurs affinités naturelles, le style d'interaction de chaque adulte et les expériences vécues ensemble. Ces préférences peuvent évoluer avec le temps.
2. Cette situation peut-elle créer des traumatismes chez mon enfant ?
Si la situation est gérée avec douceur et que l'enfant n'est pas forcé à accepter des situations qui le mettent en détresse, il n'y aura pas de traumatisme. L'important est d'écouter ses réactions et d'adapter progressivement les modes de garde en fonction de son bien-être.
3. Comment expliquer cette situation à la grand-mère rejetée sans la blesser ?
Privilégiez une communication empathique en évitant tout reproche. Expliquez que les enfants ont parfois des réactions inexpliquées et que cela ne remet pas en cause son amour ou ses compétences. Proposez-lui des pistes concrètes pour améliorer la relation, comme des activités spécifiques ou des moments plus courts au début.
4. Faut-il forcer mon enfant à aller chez sa grand-mère même s'il pleure ?
Forcer un enfant en détresse risque d'aggraver son rejet et de créer une association négative durable. Il est préférable d'opter pour une approche progressive et respectueuse de ses émotions, en accompagnant les transitions avec douceur.
5. La crèche est-elle une meilleure solution que la garde par les grands-parents ?
Il n'existe pas de solution universelle. La crèche offre un environnement stimulant et professionnel favorable à la socialisation, tandis que la garde familiale apporte chaleur et continuité affective. Le choix dépend de votre situation familiale, des besoins de votre enfant et de vos valeurs éducatives.
Conclusion : trouver l'équilibre entre harmonie familiale et bien-être de l'enfant
La préférence marquée d'un enfant pour l'un de ses grands-parents constitue une situation délicate mais fréquente dans les familles. Plutôt que de forcer la relation ou d'ignorer le problème, il convient d'observer attentivement les interactions, de dialoguer avec les personnes concernées et d'adapter progressivement les solutions de garde.
Qu'il s'agisse de maintenir l'alternance avec un accompagnement renforcé, de privilégier temporairement un seul grand-parent, ou d'opter pour un mode de garde externe comme la crèche, l'essentiel reste le bien-être de l'enfant. Les préférences affectives évoluent naturellement avec le temps, et une approche patiente et respectueuse permettra généralement d'apaiser les tensions et de reconstruire des liens harmonieux avec l'ensemble de la famille.


