Perdre son bébé pendant la grossesse ou peu après la naissance est l'une des épreuves les plus douloureuses qu'un parent puisse vivre. Le deuil périnatal reste encore trop souvent tabou dans notre société, laissant les familles démunies face à cette souffrance indicible. Pourtant, des gestes simples et un accompagnement adapté peuvent aider à traverser ce moment difficile. Esther Gonzalez, sage-femme, nous livre ses conseils pour faire face à une fausse-couche tardive ou à un bébé mort-né, et nous explique pourquoi il est essentiel d'accueillir pleinement ce deuil pour avancer.
Qu'est-ce que le deuil périnatal ?
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la mortalité périnatale comme celle qui survient à partir de la 22ème semaine de grossesse, pendant l'accouchement ou jusqu'à sept jours après la naissance. En France, environ 7 000 à 8 500 familles sont touchées chaque année par la perte d'un bébé pendant la grossesse ou dans ses premiers jours de vie. Ces chiffres témoignent d'une réalité souvent passée sous silence.
Aujourd'hui, les progrès de l'échographie obstétricale permettent de visualiser et de suivre le fœtus dès le début de la grossesse. Les parents développent ainsi très précocement leur attachement pour leur enfant, qui occupe instantanément sa place dans leur vie et dans leur cœur. Ce lien précoce rend la perte d'autant plus difficile à vivre. En cas de décès, les parents se sentent souvent dépourvus et isolés, d'autant plus que la famille et les amis évitent fréquemment d'aborder la question par crainte de leurs réactions ou parce qu'ils ne savent tout simplement pas comment agir.
Le deuil périnatal se distingue des autres formes de deuil par sa singularité : il s'agit de pleurer non seulement un être cher, mais aussi tous les projets et rêves d'avenir que les parents avaient construits. C'est la perte d'un passé qui n'a pas eu le temps d'exister et d'un futur qui ne sera jamais vécu.

Voir et tenir son bébé : une étape essentielle pour le processus de deuil
Actuellement, tous les professionnels de santé s'accordent sur un point fondamental : pour faire correctement le deuil de leur bébé, il est très important que les parents puissent le voir et passer du temps avec lui. Cette pratique, qui pouvait sembler inconcevable il y a encore quelques décennies, est aujourd'hui reconnue comme bénéfique pour le processus de deuil.
Les parents sont encouragés à prendre leur bébé dans leurs bras aussi longtemps qu'ils le souhaitent, à l'embrasser, à l'appeler par son prénom et même à le photographier s'ils en ressentent le besoin. Ces moments, bien que douloureux, permettent aux parents de créer des souvenirs concrets qui les aideront par la suite à réaliser pleinement la perte de leur enfant et à entamer leur travail de deuil.
Les équipes médicales sont de mieux en mieux formées pour accompagner les parents dans ces instants. La sage-femme, l'obstétricien ou le néonatologiste sont présents pour répondre à toutes les questions et accompagner les parents dans leurs choix. L'autopsie peut révéler des informations importantes sur les causes du décès ; les parents ont le droit de connaître tous ces résultats et de demander des explications claires.
Il n'existe pas de bonne ou de mauvaise manière de vivre ces moments. Certains parents auront besoin de temps avec leur bébé, d'autres préféreront un contact plus bref. L'essentiel est que chaque parent puisse faire ses choix en étant accompagné et informé.
La boîte à souvenirs : un outil précieux pour honorer la mémoire de bébé
Une façon concrète de matérialiser l'existence de son enfant et de garder une trace de son passage est de constituer une « boîte à souvenirs ». Cette pratique, recommandée par de nombreux professionnels de santé, permet aux parents de conserver des objets significatifs :
- Quelques vêtements du bébé
- Son bracelet d'identification de l'hôpital
- Ses empreintes de mains et de pieds
- Une mèche de cheveux
- Des photographies
- Le carnet de suivi de grossesse
- Une échographie ou tout autre document médical significatif
Cette boîte devient un trésor intime qui témoigne de la réalité de l'existence de l'enfant. Elle peut aider à donner sa place au bébé dans la fratrie et constitue un support précieux pour expliquer aux autres enfants de la famille ce qui s'est passé, quand les mots viennent à manquer. Beaucoup de parents témoignent que ces objets les ont aidés à traverser les moments les plus difficiles de leur deuil.
Il est primordial que le discours autour du décès soit clair et qu'aucun doute ne persiste. Les enfants, tout comme les adultes, ont besoin de comprendre ce qui s'est passé pour pouvoir cheminer dans leur propre processus de deuil. Des livres adaptés à leur âge peuvent également aider à aborder ce sujet délicat avec eux.
Le retour à la maison : gérer cette étape délicate
Le retour à la maison après la perte d'un bébé est un moment particulièrement redouté par les parents. L'absence de l'enfant se fait cruellement sentir, notamment face à la chambre préparée avec tant d'amour et d'espoir.
Les proches ont souvent tendance, avec les meilleures intentions du monde, à ranger et débarrasser la chambre du bébé avant l'arrivée des parents. Il est pourtant préférable de laisser les parents décider eux-mêmes du moment où ils se sentiront prêts à entrer dans cette pièce et à la réorganiser. Ce choix leur appartient et fait partie intégrante de leur processus de deuil.
L'entourage joue un rôle crucial dans cette période. Sans le savoir, famille et amis peuvent parfois prononcer des paroles maladroites qui blessent profondément. Des phrases comme « vous êtes jeunes, vous en aurez d'autres » ou « c'est peut-être mieux ainsi » sont à éviter absolument. La meilleure attitude consiste souvent à simplement être présent, à écouter sans juger, et à reconnaître la réalité de cette perte.
Il existe également des associations et des forums où des parents ayant vécu la même expérience peuvent témoigner et apporter leur soutien. Des groupes de parole animés par des professionnels permettent aux parents de partager leur vécu avec d'autres personnes qui comprennent leur douleur. L'association Naître et Vivre, Petite Émilie ou encore SPAMA proposent un accompagnement adapté aux familles endeuillées.
Les couples peuvent aussi vivre leur deuil différemment : tandis que l'un peut avoir besoin de parler et d'exprimer ses émotions, l'autre peut préférer se réfugier dans l'action ou le silence. Ces différences sont normales et ne doivent pas devenir source de conflits. Une aide psychologique, individuelle ou de couple, peut s'avérer précieuse pour traverser cette épreuve ensemble.
Vos questions fréquentes concernant le deuil périnatal
1. Est-il normal de vouloir voir et toucher son bébé décédé ?
Oui, c'est tout à fait normal et même recommandé par les professionnels de santé. Voir et tenir son bébé permet de créer des souvenirs concrets et d'entamer le processus de deuil. La plupart des parents qui ont pu passer ce temps avec leur enfant ne le regrettent pas, tandis que ceux qui n'ont pas eu cette opportunité expriment souvent des regrets.
2. Comment annoncer le décès du bébé aux autres enfants de la famille ?
Il est important d'utiliser des mots simples et adaptés à leur âge, sans euphémismes qui pourraient créer de la confusion. Expliquez que le bébé est mort et qu'il ne reviendra pas. La boîte à souvenirs peut servir de support pour cette discussion. Des livres jeunesse abordant le deuil périnatal peuvent également aider à accompagner les enfants.
3. Combien de temps dure le deuil périnatal ?
Il n'existe pas de durée standard pour un deuil. Le processus peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années, et varie considérablement d'une personne à l'autre. L'important est de ne pas se fixer d'échéance et de s'autoriser à vivre ses émotions à son propre rythme, tout en n'hésitant pas à chercher de l'aide professionnelle si nécessaire.
4. Où trouver du soutien après un deuil périnatal ?
Plusieurs ressources existent : les équipes hospitalières (sage-femme, psychologue), les associations spécialisées comme Naître et Vivre, Petite Émilie ou l'Enfant Sans Nom, les groupes de parole, et les professionnels libéraux (psychologues, psychiatres) formés au deuil périnatal. Des forums en ligne permettent également d'échanger avec d'autres parents traversant la même épreuve.
Conclusion
Traverser un deuil périnatal est une épreuve qui demande du temps, de l'accompagnement et beaucoup de douceur envers soi-même. N'hésitez jamais à demander de l'aide et à vous entourer de personnes de confiance. Votre bébé a existé, et la douleur que vous ressentez témoigne de l'amour que vous lui portez.
Esther Gonzalez, Sage-Femme


