En 2024, l'indicateur de fécondité en France est tombé à 1,62 enfant par femme, un niveau historiquement bas jamais atteint depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Selon les dernières études de l'Insee et de l'Inserm, 3,3 millions de Français sont touchés par l'infertilité, et un couple sur quatre rencontre des difficultés à concevoir après 12 mois d'essais. Comment expliquer cette tendance préoccupante ? Entre évolutions sociétales, exposition aux polluants et mode de vie moderne, plusieurs facteurs se combinent pour rendre la conception plus complexe qu'autrefois. Décryptage complet des causes de cette infertilité grandissante.
Des raisons sociologiques qui retardent les projets de grossesse
L'une des principales explications de l'infertilité croissante en France réside dans le recul de l'âge de la première grossesse. Selon les données de l'Assurance maladie, l'âge moyen au premier accouchement s'élève désormais à 31,1 ans en 2024, contre 29,5 ans il y a vingt ans et seulement 24-25 ans en 1977. Ce report de la maternité n'est pas sans conséquences sur la capacité à concevoir.
Une femme de 25 ans aurait une chance sur six de rencontrer des problèmes de fertilité. Chez une femme de 35 ans, ce risque augmente jusqu'à une chance sur trois. Après 40 ans, les statistiques sont encore plus significatives : 36 % des femmes en recherche de grossesse à cet âge resteront sans enfant, et les chances de succès en PMA chutent drastiquement.
Pourquoi ce désir de maternité plus tardif ? Les raisons sont multiples. Les femmes d'aujourd'hui souhaitent davantage se développer professionnellement avant de fonder une famille. Les études supérieures plus longues, l'entrée tardive sur le marché du travail et la volonté de stabiliser sa situation financière contribuent à ce report. Par ailleurs, les injonctions sociales pèsent moins sur les épaules des jeunes générations. Nous sommes plus libres d'écouter nos propres envies et projets de vie, et notre souhait n'est pas toujours d'avoir fondé une famille avant 30 ans. Voyages, carrière, épanouissement personnel : nombreuses sont celles qui cherchent à réaliser d'autres rêves avant d'envisager la parentalité.
L'enquête nationale périnatale 2021 confirme cette tendance : la part des femmes âgées de 35 à 39 ans à l'accouchement est passée de 17,2 % en 2016 à 19,2 % en 2021. Cette évolution sociétale, si elle répond à des aspirations légitimes, se heurte malheureusement à une réalité biologique : la réserve ovarienne diminue naturellement avec l'âge, rendant la conception plus difficile au fil des années.

Les perturbateurs endocriniens : un facteur environnemental omniprésent
Au-delà des choix de vie, notre environnement quotidien joue un rôle majeur dans l'infertilité croissante. Plusieurs études scientifiques ont démontré que certains facteurs environnementaux perturbent significativement la qualité du sperme et le fonctionnement hormonal féminin.
Les perturbateurs endocriniens sont particulièrement pointés du doigt. Ces molécules, qui interfèrent avec notre système hormonal, sont malheureusement omniprésentes dans notre quotidien : dans nos produits de soin et d'hygiène, sur les vêtements, dans les emballages alimentaires, les cosmétiques et même dans notre alimentation. Impossible d'y échapper totalement. Bien que la plupart de ces substances se dissolvent rapidement dans l'organisme, le fait d'y être exposé continuellement représente certains dangers. Les fonctions reproductrices figurent parmi les premières à être impactées.
Une méta-analyse publiée en 2017 a révélé des chiffres alarmants : la concentration de spermatozoïdes dans le sperme a chuté de 52,4 % au niveau mondial entre 1973 et 2011, soit une perte moyenne de 1,4 % par an. Cette baisse est notamment attribuée à l'exposition chronique aux perturbateurs endocriniens pendant la grossesse et tout au long de la vie. Face à ce constat, un rapport gouvernemental préconise la création d'un logo reprotoxique, apposé sur tout produit de consommation contenant ces substances nocives.
La pollution atmosphérique aggrave également la situation. Les particules fines et autres polluants présents dans l'air que nous respirons peuvent affecter la qualité des gamètes, tant chez l'homme que chez la femme. Les professionnels exposés à des sources de chaleur importante (boulangers, verriers, chauffeurs routiers) ou pratiquant intensivement le vélo voient également leur spermatogenèse altérée par l'élévation de température au niveau testiculaire.
Les facteurs biologiques et le mode de vie moderne en cause
Depuis plusieurs années, certaines de nos données de santé capitales à la fertilité semblent se dégrader. Le surpoids et l'obésité, en constante augmentation dans la population française, constituent un facteur de risque majeur d'infertilité. L'excès de masse graisseuse perturbe l'équilibre hormonal et peut entraîner des troubles de l'ovulation chez la femme ou une altération de la qualité du sperme chez l'homme.
La qualité du sommeil joue également un rôle crucial souvent sous-estimé. Nos nuits raccourcies, perturbées par le stress et l'omniprésence des écrans, impactent directement notre système hormonal. La lumière bleue des smartphones et tablettes perturbe la sécrétion de mélatonine, hormone essentielle à la régulation de notre cycle reproductif.
Le tabagisme et la consommation d'alcool constituent également des facteurs aggravants bien documentés. Chez la femme, le tabac accélère le vieillissement ovarien et diminue les chances de conception. Chez l'homme, il affecte la mobilité et la morphologie des spermatozoïdes. À ces éléments s'ajoute la consommation de drogues dures qui aurait quadruplé en à peine 20 ans. La cocaïne et autres substances participent également au fait que les Français peinent de plus en plus à concevoir.
Certaines pathologies médicales contribuent aussi à l'infertilité : l'endométriose, qui touche environ 10 % des femmes, le syndrome des ovaires polykystiques (première cause d'infertilité chez la femme jeune), ou encore la varicocèle chez l'homme. Les infections sexuellement transmissibles non traitées peuvent également compromettre la fertilité des deux partenaires.
En résumé, les Français peinent à concevoir en raison de plusieurs facteurs combinés :
- Sociologique : des désirs de parentalité de plus en plus tardifs et un âge moyen au premier enfant qui ne cesse d'augmenter.
- Environnemental : les perturbateurs endocriniens et la pollution omniprésents dans notre quotidien.
- Biologique : le surpoids, le stress chronique, les troubles du sommeil et la consommation de substances nocives.
À ces trois facteurs s'ajouteraient 20 % de causes inconnues, des raisons que la science n'a pas encore identifiées et qui pourraient expliquer une partie de l'infertilité croissante des Français. C'est pourquoi le gouvernement a annoncé en 2024 un "grand plan de lutte contre l'infertilité", reconnaissant ce problème comme un enjeu majeur de santé publique.
Vos questions fréquentes concernant l'infertilité en France
1. À partir de quand parle-t-on d'infertilité ?
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), un couple est considéré comme infertile lorsqu'une grossesse n'est pas obtenue après 12 mois de rapports sexuels réguliers et non protégés. Pour les femmes de plus de 35 ans, les médecins recommandent de consulter dès 6 mois d'essais infructueux en raison de la diminution plus rapide de la réserve ovarienne.
2. Combien de Français sont concernés par l'infertilité ?
Environ 3,3 millions de personnes sont touchées par l'infertilité en France. Cela représente un couple sur quatre en désir d'enfant qui rencontre des difficultés à concevoir. Selon l'Inserm, un couple sur huit consulte en raison de problèmes de fertilité, et 10 % des couples restent infertiles après deux ans de tentatives.
3. L'infertilité est-elle uniquement d'origine féminine ?
Non, absolument pas. L'Assurance maladie précise que l'infertilité est d'origine féminine dans 25 % des cas, d'origine masculine dans 25 % des cas, mixte (les deux partenaires) dans 25 % des cas, et inexpliquée dans les 25 % restants. L'homme et la femme sont donc concernés à parts égales.
4. Peut-on améliorer sa fertilité naturellement ?
Oui, certains changements de mode de vie peuvent favoriser la conception : arrêter le tabac et limiter l'alcool, maintenir un poids santé, adopter une alimentation équilibrée riche en fruits et légumes, dormir suffisamment, réduire le stress et limiter l'exposition aux perturbateurs endocriniens. Ces mesures hygiéno-diététiques constituent souvent le premier conseil des spécialistes.
Conclusion
L'infertilité en France résulte d'une combinaison complexe de facteurs sociétaux, environnementaux et biologiques. Si le report de l'âge de la maternité répond à des évolutions sociales légitimes, il se heurte à des réalités physiologiques qu'il est important de connaître. L'exposition quotidienne aux perturbateurs endocriniens et notre mode de vie moderne ajoutent des obstacles supplémentaires à la conception. Face à ce constat, une meilleure information sur la fertilité et ses limites temporelles, ainsi que des actions concrètes pour réduire notre exposition aux polluants, apparaissent comme des leviers essentiels pour aider les couples souhaitant fonder une famille.
Crédits Photos : PattyPhoto, Chanintorn.v


