Votre enfant semble perdu, provocateur ou en colère depuis votre séparation ? Ces comportements cachent souvent une estime de soi fragilisée et une quête d'identité bouleversée. À travers l'histoire touchante de David, 5 ans, le philosophe et coach Jose Carlos Arroyo nous éclaire sur les mécanismes émotionnels en jeu et nous livre des pistes concrètes pour accompagner nos enfants vers un meilleur équilibre affectif.
Le profil de David : quand les comportements révèlent un mal-être profond
David est un enfant de cinq ans, fils unique. Il n'est pas diagnostiqué TDAH (Trouble Déficitaire de l'Attention avec ou sans Hyperactivité), mais il présente plusieurs symptômes qui font penser à sa maman qu'il l'est peut-être. Par exemple, il est très tête en l'air, a toujours de petits accidents, perd ses affaires, n'a jamais bien dormi — pas plus de neuf ou dix heures par jour — et n'a jamais fait la sieste. Rien de bien grave, a priori.
Néanmoins, lorsque Marion, la maman, m'a expliqué le quotidien de son enfant, j'ai tout de suite perçu qu'il avait une très faible estime de soi, n'était pas sûr de lui, ressentait de la jalousie, une révolte, de l'agressivité et ce fameux comportement provocateur qui consiste à défier sa mère chaque fois qu'elle lui demande de faire quelque chose.
Non seulement il refuse, mais il provoque. David part dans sa chambre, claque la porte, donne des coups de pied, frappe la table, lance des objets ou se frappe lui-même. Il n'a que 5 ans et sa maman ne sait plus quoi faire. Ces manifestations, bien que difficiles à gérer au quotidien, sont en réalité des signaux d'alarme émotionnels que l'enfant envoie inconsciemment à son entourage.

L'impact de la séparation parentale sur la construction identitaire
Dans sa courte vie, David a vu ses parents se séparer quand il avait 3 ans. C'est le cas de la grande majorité des enfants diagnostiqués TDAH. La mère est la seule en charge de l'éducation de l'enfant. Le père vit dans une autre ville, distante d'une centaine de kilomètres, et le voit très peu. Marion insiste pour que le papa voie plus son fils, mais il a décidé de n'être présent dans la vie de l'enfant que lorsqu'il en a envie. Cela signifie que la mère est la seule à façonner l'émotionnel de l'enfant.
Lorsque David va chez son père, il pleure et fait de nombreuses difficultés. Son papa ne comprend pas et ces moments ne sont bons pour aucun des trois. Que se passe-t-il alors ? Sa maman l'obligeant à aller avec son papa, David est déconnecté de sa propre identité. Pour lui, c'est sa mère qui veut qu'il aille avec son père. Lui, il ne veut pas, il préfère rester avec elle, et pourtant il doit y aller.
Par conséquent, l'enfant se voit obligé de faire quelque chose qu'il ne veut pas, quelque chose qui ne cadre pas avec son existence. Ce conflit intérieur génère une dissonance émotionnelle profonde qui affecte directement sa capacité à se construire une identité stable et cohérente.
Ainsi, l'enfant défie son père jusqu'à ce que celui-ci, désespéré, le ramène à sa maman ou lui téléphone pour savoir ce qu'il doit faire. Le père a fini par choisir de voir moins son fils et cela est complètement égal à l'enfant. Il le prend pour dormir chez lui une fois par mois et l'appelle plus ou moins tous les 15 jours.
Ce qui touche profondément l'affectif de l'enfant
Plusieurs aspects touchent directement l'affectif de l'enfant et méritent une attention particulière :
- Le deuil du foyer uni : David aurait voulu que ses parents vivent ensemble, heureux. Comme ce n'est pas possible, l'enfant considère qu'on ne lui donne pas tous les soins et tout l'amour dont il a besoin.
- Le manque d'affection paternelle : Selon la maman, le papa est peu affectueux et elle doit compenser cet amour, ce qui crée un déséquilibre dans le développement émotionnel de l'enfant.
- La perte de confiance : Chaque fois que David doit aller voir son papa, sa maman lui dit qu'il va s'amuser, que son papa l'aime, qu'il sera content. Mais cela ne se passe jamais comme ça.
L'enfant commence alors à comprendre les choses d'une certaine manière : « Maman ne me dit pas la vérité, elle me trompe. Je ne suis pas bien avec mon papa et maman m'oblige à me comporter d'une certaine façon. » L'affectif de David s'en trouve très fortement malmené : l'affection de son papa lui manque et il a le sentiment que sa maman l'abandonne.
Cela va même plus loin : sa maman le gronde parce qu'il ne se comporte pas bien avec son papa. Ce qui signifie pour David : « Ma maman m'oblige à aller voir mon papa ; je ne veux pas ; je proteste parce que je veux rester moi-même et m'exprimer ; ma maman ne doit pas aimer que je sois moi ; je me sens abandonné et mon affectif en souffre. »
La réaction de la mère et ses conséquences sur l'estime de soi
Quand David revient après un jour passé chez son père, il porte en lui une colère accumulée qu'il décharge avec sa mère. Il arrive perturbé, négatif et provocateur. Cet état dure plusieurs jours, pendant lesquels l'enfant ne se comporte pas correctement dans de nombreuses situations quotidiennes.
Au début, il s'isolait de ses camarades de classe et jouait tout seul. Il a beaucoup progressé dans ce domaine et joue maintenant avec ses copains. Cependant, dans ces moments difficiles, il lui arrive de se battre avec eux pour décharger sa colère.
Lorsque cela arrive, sa maman dit à David qu'il doit mieux se comporter et être un gentil garçon. Comme elle n'y parvient pas, ils se disputent souvent. Elle est très fatiguée, parfois stressée et réagit de façon exagérée avec David. La façon dont la mère agit n'arrange pas l'estime de soi de l'enfant.
La maman ne dit pas à l'enfant qu'il doit changer, mais qu'il doit bien se comporter, comme le font tous les autres, sinon, on ne l'aimera pas, il ne sera pas récompensé. L'enfant n'a d'autre choix que de déconnecter de son moi essentiel. Pour lui, son existence devient plus importante que son essence. Son existence sera acceptable s'il se comporte correctement, comme le dit sa mère. Autrement dit, les récompenses, et surtout l'amour, viendront de l'extérieur. Son affectif dépend donc entièrement du dehors.
Que se passe-t-il alors lorsque l'extérieur est défaillant ? David se retrouve complètement perdu, il n'a plus rien à quoi s'accrocher, il se sent abandonné. Son estime de soi se trouve au plus bas et il réagit négativement et avec impulsion.
David se sent responsable de toute cette situation et se construit peu à peu une nouvelle identité. Son dialogue interne ressemble à peu près à cela : « Si je veux être moi-même et que je ne me comporte pas comme il faut, maman se fâche. Si j'essaye d'être comme elle veut et que je n'y parviens pas, elle se fâche aussi. Mais ma maman m'aime et elle me le montre tous les jours. Je ne comprends rien. » Ce paradoxe crée chez l'enfant une confusion identitaire majeure qui peut affecter son développement émotionnel à long terme.
Vos questions fréquentes concernant l'estime de soi de l'enfant après une séparation
1. Comment reconnaître une faible estime de soi chez mon enfant ?
Les signes peuvent inclure des comportements provocateurs répétés, un repli sur soi, des difficultés à accepter les compliments, une tendance à se dévaloriser verbalement, des crises de colère fréquentes ou encore des difficultés relationnelles avec les autres enfants. L'enfant peut également manifester de l'anxiété face aux nouvelles situations.
2. La séparation des parents affecte-t-elle toujours l'estime de soi de l'enfant ?
Pas nécessairement. Ce n'est pas la séparation en elle-même qui nuit à l'estime de soi, mais plutôt la manière dont elle est gérée par les parents. Un accompagnement adapté, une communication honnête et le maintien d'une relation stable avec les deux parents peuvent préserver l'équilibre émotionnel de l'enfant.
3. Que faire si mon enfant refuse de voir son autre parent ?
Il est important d'écouter les raisons profondes de ce refus sans forcer l'enfant. Un dialogue ouvert, l'aide d'un professionnel de la psychologie infantile ou une médiation familiale peuvent aider à comprendre les blocages et à trouver des solutions respectueuses des besoins de l'enfant.
4. Comment aider mon enfant à renforcer son identité après une séparation ?
Valorisez ses qualités et ses réussites, laissez-lui exprimer ses émotions sans jugement, maintenez des routines rassurantes et évitez de le placer au centre des conflits parentaux. Encouragez-le à développer ses propres centres d'intérêt et respectez son rythme d'adaptation.
Conclusion
L'histoire de David nous rappelle combien la construction de l'estime de soi chez l'enfant est intimement liée à la qualité des relations affectives qu'il entretient avec ses parents. Face à une séparation, l'enfant a besoin de sentir qu'il reste aimé inconditionnellement, qu'il a le droit d'exprimer ses émotions et qu'il n'est pas responsable de la situation familiale. En tant que parent, accueillir les comportements difficiles comme des messages plutôt que comme des défis permet d'ouvrir un dialogue constructif et de préserver le lien de confiance essentiel au bon développement de l'enfant.


